Nicolas Baygert est membre de notre Conseil Scientifique, il dirige en Belgique le laboratoire Protagoras partenaire d’un grand nombre de nos évènements. Il nous présente ici ses projets pour 2022.
- Nicolas Baygert, vous dirigez le laboratoire Protagoras, pouvez-vous le présenter ?
Protagoras est un laboratoire de recherche appliquée/think tank en communication politique et publique rattaché à l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales (IHECS) à Bruxelles. Notre volonté est de tisser des liens durables entre les milieux académiques et professionnels de ces disciplines. Par ailleurs, notre ancrage bruxellois nous destine tout particulièrement à nous pencher sur les enjeux communicationnels de l’UE.
Protagoras s’est d’abord fait connaître grâce à son cycle semestriel de Masterclasses — en partie accessibles via Twitch et YouTube. Nous y invitons les intervenants à aborder une thématique spécifique par différents angles. Dans la longue liste de participants, on retrouve deux anciens Premiers ministres belges (Sophie Wilmès, et Elio Di Rupo), des hauts fonctionnaires des institutions européennes, des universitaires, des directeurs d’agences et professionnels de la communication ainsi que des acteurs de la société civile. Deux fois par an, nous publions la revue « Les Cahiers Protagoras » (éditée par L’Harmattan) laquelle se présente sous la forme d’une collection d’articles rédigés par des chercheurs académiques et des communicants autour d’un thème imposé. Les articles sont soumis à une relecture en double aveugle par un comité scientifique. Parmi les huit numéros publiés, six sont en accès libres sur notre site internet https://www.protagoras.be/les-cahiers-protagoras.
Nous organisons enfin un colloque annuel au cours duquel nous invitons chercheurs et professionnels à se pencher sur une thématique transversale. Ces rendez-vous donnent lieu à des collaborations durables. Des partenariats structurels furent ainsi noués avec le département de communication et de recherche sociale de la Sapienza Università di Roma, le GRIPIC de l’Université́ Paris-Sorbonne – CELSA et l’Université des sciences appliquées du management et de la communication de Vienne (FHWien der WKW). La contribution à l’émergence d’un réseau européen consacré à la recherche appliquée en communication politique et publique constitue l’un de nos principaux objectifs, pouvant également se concrétiser sous forme de dossiers à l’instar du rapport « European Green Deal: Inducing Eco-Responsible Behaviours in the Post-Covid-19 Era » ; aboutissement d’une recherche menée en partenariat avec l’Institut d’études européennes de l’ULB.
- Quels sont vos projets pour Protagoras en 2022 ?
Nous finalisons en ce moment même l’édition du « Cahier PROTAGORAS » consacré à notre colloque de 2021 (« L’éclectisme des communications populistes ») qui paraitra donc très prochainement. Le numéro suivant est prévu pour l’été 2022. Plusieurs Masterclasses sont prévues entre février et juin. La première se tiendra le 23 février avec en invité Antoine Colombani, membre du cabinet du Vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. Nous prévoyons également une table ronde organisée en collaboration avec le CELSA, le 16 mai à Paris, pour un premier bilan des présidentielles. Notre colloque annuel se tiendra les 9 et 10 juin et portera sur la thématique des sondages comme outil de légitimation politique. L’appel à communication devrait sortir d’ici peu. En fonction de la situation sanitaire, nous envisagerons également de relancer divers évènements destinés à notre réseau pour intensifier le dialogue entre chercheurs et professionnels.
- Vous avez soutenu votre thèse de doctorat en 2014 sur le sujet de “l’Homme politique comme marque”. Pensez-vous que la situation s’est amplifiée ?
Très certainement. En 2014, je concluais ma thèse en constatant l’avènement de logiques alter-partisanes laissant davantage d’espace à la dimension plébiscitaire des marques politiques – l’autonomisation des modalités liées à l’engagement politique posant ainsi question du devenir des formations partisanes classiques. Le quinquennat d’Emmanuel Macron en a parfaitement illustré les potentialités et les limites. La forme-marque comme modèle communicationnel a, d’une part, eu pour effet indirect un saut paradigmatique du politique vers une culture du « one shot ». L’hypermédiatisation de personnalités hors champ s’imposant ex nihilo, la crise identitaire des partis traditionnels (déjà passés par plusieurs rebranding successifs) et l’émergence de micro-partis (par ex. : Territoires de progrès, Agir, Horizons, La France Audacieuse, …) aggravent aujourd’hui ce constat de délitement structurel, au profit de plateformes électorales éphémères soumises aux logiques de marque. Dans cette reconfiguration tous azimuts, la politique partisane revêt une forme liquide. Là où les partis ne parviennent plus à produire du sens, l’on se tourne dorénavant vers des projets de marque mono-incarnés, conjoncturels et novateurs (intra ou extra-partisans) – un contexte où l’engagement relève souvent d’une dimension alter- et antipolitique (voire dégagiste).