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André de Marco à propos des mutations dans le domaine de la communication organisationnelle

André de Marco est l’un des pionniers de la communication d’entreprise en France. Après une maîtrise en communication à la Sorbonne au début des années 70, il s’engage dans la pratique et devient en 1983 directeur de la communication du groupe Bull puis 3 ans après de Rhône-Poulenc où il dirigea la communication durant 12 années.

A l’heure où la communication organisationnelle semble en révolution constante, il a bien voulu répondre à nos questions sur les mutations du domaine.


Vous avez été l’un des premiers professionnels de la communication. Vous avez été dircom de plusieurs grandes organisations (Rhône Poulenc, Bull, Rank Xerox, Hill & Knowlton, Institut Pasteur). Diriez-vous que les fondamentaux de la communication sont toujours les mêmes et qu’est-ce qui a le plus changé dans la communication des entreprises ?

Dans les années 80, les professionnels de ce qui s’appelait encore « Relations publiques », ont donné une nouvelle impulsion à leur métier, jusqu’à en modifier les contenus et l’identité pour le nommer « communication ». Elle marquait le passage des outils d’information à sens unique vers une meilleure prise en compte des attentes des différentes parties prenantes. L’entrée des directeurs de la communication dans les équipes de direction des entreprises et des institutions a modifié le positionnement et le rôle de la communication.

L’importance des enjeux de l’image et de la réputation, y compris pour les relations avec les autorités, avec les investisseurs, avec les jeunes diplômés, a commencé à faire évoluer les pratiques et les moyens. Passage de la connaissance des produits ou des services, à la recherche de relations plus confiantes avec les différents partenaires internes et externes. Souci de la réputation, de l’acceptabilité, de la confiance, pour l’ensemble de l’institution et pour ses dirigeants.

L’impact des différentes crises et l’arrivée du numérique ont marqué la communication du début des années 2000. Aujourd’hui, le digital et les réseaux « dits sociaux » apportent de nouvelles techniques, l’immédiateté de l’information, la prolifération des expressions personnelles et anonymes, qui rendent la communication moins humaine, ou moins chaleureuse.

Vous avez été à l’origine de la première campagne de communication corporate sur l’environnement lorsque vous avez été dircom de Rhône Poulenc. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la communication environnementale et l’émergence de la communication responsable ?

La communication environnementale a trois facettes – l’information et le dialogue sur les préoccupations environnementales, – la promotion de produits ou de services par leurs vertus prétendues environnementales – la responsabilité environnementale de l’entreprise.

Dans le cas de Rhône-Poulenc, qui avait quatre métiers : la chimie, la santé, le textile, la protection des plantes, nous avions fait le choix de bâtir une identité commune sur la responsabilité sociétale.  Faire comprendre et accepter l’engagement de responsabilité environnementale d’une entreprise dont les activités reposaient toutes sur la chimie était paradoxal et un pari dangereux. Il a heureusement réussi parce qu’il a été rendu possible par une réelle volonté stratégique au plus haut niveau de l’entreprise.

Aujourd’hui, alors que tout ce qui a trait à l’environnement est omniprésent dans les médias, dans les consciences, dans les lois, et progresse enfin dans les pratiques, il devient plus difficile d’être véritablement crédible en communication environnementale.  Les bonnes intentions et les progrès même incontestables, risquent des effets boomerang destructeurs. 

Malgré le travail mené ces dernières années, la communication responsable a encore beaucoup de mal à s’affirmer et à convaincre.  La persistance et surtout la remontée des climato sceptiques est un échec cuisant qui doit tous nous faire réfléchir.

La communication de crise apparaît omniprésente dans la communication des organisations. Avec la place prise par les réseaux sociaux, pensez-vous qu’on gère une crise de la même manière maintenant qu’il y a 30 ans ?

Indépendamment de l’évidence du rôle pris par les réseaux sociaux dans la communication de crise il ne me semble plus possible de gérer les crises comme il y a trente ans. Les crises sont de plus en plus fréquentes, permanentes disent certains professionnels. Elles sont de plus en plus complexes par leur nature et leurs extensions. La parabole du battement d’aile du papillon déclenchant une catastrophe à l’autre bout du monde, se constate tous les jours. La rapidité de réaction est indispensable, ne serait-ce que pour limiter la multiplication des déclarations de tous ceux qui « parlent avant de savoir et surtout sans savoir ». En préventif, il faut renforcer chaque jour le capital de réputation et de confiance de l’institution et de ses dirigeants. Plus que jamais, veiller à dire la vérité dès les premières minutes et veiller à la transparence. Cultiver l’humilité pouvant aller jusqu’aux excuses, au renoncement à des produits ou services, à des pratiques et des comportements.

En parallèle avec vos responsabilités de directeur de la communication, vous avez toujours enseigné votre savoir aux étudiants. Quel regard portez-vous sur l’enseignement de la communication d’entreprise dans les universités ?

Je suis trop éloigné des pratiques actuelles pour pouvoir apporter un avis pertinent sur ces enseignements en mouvement permanent.  J’ai arrêté d’enseigner quand je me suis rendu compte, n’étant plus à 100% en activité de communication, que je n’étais plus en mesure d’apporter le meilleur d’aujourd’hui aux étudiants. J’ai toujours été surpris des appels que je recevais de personnes qui se voyaient chargées d’enseigner la communication dans une école ou une université et me demandaient, « mes slides » comme on le disait à l’époque. Je crois que l’enseignement de la communication n’est pas uniquement une transmission de savoirs. Je pense que c’est avant tout la transmission de convictions, d’attitudes et de comportements. Apprendre à bien faire, plutôt que le savoir. J’ai toujours apprécié les bénéfices croisés de mes activités professionnelles au service de l’enseignement et de l’enseignement dans l’exercice de mon métier.