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ACCS

5 décembre 2024

L’Académie des Controverses et de la Communication sensible est heureuse de soutenir l’appel à contributions qui vient d’être publié. Le sujet de la communication de crise est au coeur de nos sujets et deux de nos membres figurent au comité de pilotage.

ACCS

3 septembre 2024

Dans la série « nos grands prédécesseurs », après André de Marco et Jean Pierre Beaudoin, pionniers de la communication d’entreprise et des relations publiques, place à Jean Pierre Raffin. Jean Pierre Raffin est un des précurseurs de l’enseignement de l’écologie en France, il a aussi été Président de France Nature Environnement et député européen.

Entretien par Thierry Libaert.

Q : Vous avez été un des précurseurs en France de l’enseignement de l’écologie. Vous avez d’ailleurs fondé la discipline en 1970 à l’Université Paris VII avec François Ramade. Bien que la défense de l’environnement s’appuie depuis fort longtemps sur des données scientifiques indiscutables, celle-ci tend à régresser un peu partout dans le monde. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

    Effectivement, dans mon domaine de compétence : la diversité du monde vivant, je constate que plus les données scientifiques s’ajoutent moins les responsables économiques et politiques en tiennent compte voire reviennent en arrière. Je pense que le volet « diversité du vivant » de la transition écologique est moins perceptible tant à l’opinion publique qu’aux décideurs à la différence du volet climatique. L’impact de la disparition d’une part du monde vivant, à long terme, est moins visible que celui des événements climatiques même si comme le disait l’écologue Robert Barbault (2006) la biodiversité est l’assurance-vie de l’humanité.

    S’ajoute le fait que dans les années 1980, l’enseignement universitaire a délaissé la biologie naturaliste au profit d’une approche biomoléculaire du monde vivant et tout récemment, comme l’a fait remarquer Philippe Grandcolas (2021) , dans l’enseignement secondaire , les programmes relatifs au fonctionnement des écosystèmes et au rôle de la diversité biologique ont été supprimés. Pour ce qui concerne la France, le fonds culturel est encore marqué des idées anthropocentriques du siècle des Lumières où l’homme « maître et possesseur de la nature » n’a pas à faire grand cas des vivants non-humains. L’on peut aussi évoquer le rôle du christianisme notamment catholique qui n’a retenu du récit de la Genèse  que la multiplication du genre humain (alors qu’il ne s’agissait que d’un réflexe de survie du peuple hébreu en exil à Babylone) et la « domination » de  l’homme  taisant les passages de la Bible (Gn9, 9-10) où Dieu fait alliance, après le déluge  avec le peuple hébreu et « tous les êtres vivants (…) oiseaux, bestiaux, toutes les bêtes sauvages ».

    Q : Vous avez également un long parcours de militant environnemental. Vous avez été Président de France Nature Environnement, parmi les premiers membres du Comité de Veille Ecologique à l’époque de la Fondation Nicolas Hulot. Quel regard portez-vous sur la communication des associations environnementales à l’heure où l’on observe de plus en plus de mouvements de désobéissance et parfois de fortes violences ?

    Dans la communication il y a deux éléments : le message émis et sa réception. Ce n’est pas parce que telle ou telle, organisation délivre un message qu’il est repris et diffusé. Force est de constater que les médias s’intéressent plus aux actions spectaculaires, aux coups médiatiques qu’aux actions de fond, travail quotidien au ras des pâquerettes quelle que soit la communication faite. Il est donc difficile d’évaluer l’action des mouvements environnementalistes sur le seul écho médiatique qui, de facto, ne reflète pas la réalité.  Pour prendre un exemple concret Greenpeace organise des actions médiatiques qui contribuent à la sensibilisation de l’opinion publique et peut la mobiliser mais ne mène pas d’actions de terrains au  quotidien (contentieux pour faire appliquer lois et règlements, gestion d’espaces naturels, fabrication d’outils pédagogiques, etc) qui  sont le lot de bien des associations.

    Q: Vous avez également un parcours politique très riche, que ce soit en France avec votre participation en cabinet ministériel, à l’origine de Europe Ecologie puis comme député européen. Peut-on espérer du monde politique qu’il agisse réellement pour lutter contre le dérèglement climatique et pour la sauvegarde de la biodiversité ?

    Je n’ai participé qu’à un seul cabinet, celui de Dominique Voynet, ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, de juin 1997 à septembre 1999.

    Auparavant j’avais été co-député (1989-1991) et député (1991-1994) au Parlement européen, sur un poste d’ouverture chez les Verts, c’est-à-dire san être membre des Verts. J’ai adhéré chez les Verts en 1995 que j’ai quitté en 2006, période où je n’étais qu’un adhérent de base, hors mon séjour au cabinet de Dominique Voynet. J’ai ensuite, après avoir été président du Rassemblement pour une Europe écologiste (REE), association support de la liste  Europe-Ecologie aux élections européennes de 2009, conduite par Daniel Cohen-Bendit , adhéré à Europe-Ecologie-Les Verts de 2010 à 2012.

    On peut toujours espérer mais ces temps derniers les politiques exerçant le pouvoir ont été plutôt prolixes en discours qu’en actes et une partie de ceux qui souhaitent les remplacer ne semblent guère différer voire augurerait d’un retour en arrière.  Je fais actuellement beaucoup plus confiance aux acteurs de terrain.

    Q : Vous vous êtes beaucoup interrogé sur des notions comme celle de nature, d’environnement, de radicalité, sur les relations entre l’homme et la Nature. Selon vous, que faudrait-il faire pour réellement sensibiliser à la protection de l’environnement ?

    Il  faudrait  d’abord définir ce que l’on entend par « protection de la nature » et « protection de l’environnement ». Agir pour que mon environnement urbain ne soit pas pollué par les émissions des véhicules qui y circulent (gaz d’échappement, particules d’amiante, etc) n’a rien à voir avec le maintien d’une diversité  de la flore  et de la faune  qui ont longtemps cohabités avec les humains en ville et qui ont disparu ou sont en voie de disparition. Je pouvais, par exemple, au début des années 1970, montrer à mes enfants, dans mon environnement urbain immédiat : moineaux, martinets noirs, hirondelles de fenêtre, etc. Je ne peux le faire pour mes petits-enfants.

    Pour ce qui concerne la protection de la nature je reprends ce qu’écrivait Jean Dorst en 1965 (Avant que Nature meure) : « L’homme a assez de raisons objectives pour s’attacher à la sauvegarde du monde sauvage. Mais la nature ne sera en définitive sauvée que par notre cœur. Elle ne sera préservée que si l’homme lui manifeste un peu d’amour, simplement parce qu’elle est belle et parce que nous avons besoin de beauté, quelle que soit la forme à laquelle nous sommes sensibles du fait de notre culture et de notre formation intellectuelle.  Car cela fait partie intégrante de l’âme humaine. ». C’est d’ailleurs après avoir lu Dorst et Julien ( L’homme et la nature, 1965) que je me suis « engagé » en protection de la nature comme bien des naturalistes (alors jeunes …) de ma génération. Pour ce qui concerne « l’environnement » la sensibilisation peut user de l’argument santé au sens large.

    Q : Vous avez été Président du Parc National des Ecrins et vous êtes toujours membre de son Conseil Scientifique. Vous pensez que la défense de l’environnement doit d’abord passer par la sauvegarde de notre environnement de proximité ?

    Non , je suis membre du Conseil scientifique du Parc national des Ecrins depuis 1979 et j’en ai , un temps, assuré la présidence (2002-2006) ainsi que ,la présidence du Collège des présidents de conseils scientifiques de Parcs nationaux (2005-2006). Mais j’ai aussi été membre du Conseil d’administration du Parc national des Ecrins (1978-1989/1995-1997 et 2014-2021).

    Même interrogation que précédemment à propos de « l’environnement » mot valise dont jadis François Ramade  disait que ne reposant sur aucun fondement scientifique il était peu opérationnel.

    C’est quoi mon environnement de proximité ? L’Europe, par rapport au monde, la France par rapport à l’Europe, mon quartier par rapport à Paris, le chalet familial de mon épouse en Vallouise par rapport aux Hautes-Alpes, la maison familiale de mes parents en Brionnais  par rapport à la Saône-et-Loire ? Ils sont tous, à un moment ou à un autre mes environnements de proximités.

    ACCS

    2 juillet 2024

    Communiquer sur l’atténuation du changement climatique : une thèse par Yuliya Samofalova

    Titre original : Communicating about climate change mitigation on social media: Multimodal analysis of Instagram posts by Belgian, French, and Norwegian opinion leading individuals and organizations

    Titre en français : Communiquer sur l’atténuation du changement climatique sur les médias sociaux : Analyse multimodale des posts Instagram par des leaders d’opinion belges, français et norvégiens

    La thèse en Information et communication de Yuliya Samofalova, intitulée « Communicating about climate change mitigation on social media: Multimodal analysis of Instagram posts by Belgian, French, and Norwegian opinion leading individuals and organizations » sera présentée le 8 juillet 2024 à l’Université Catholique de Louvain. Les promoteurs sont Professeur Andrea Catellani et Docteure Louise-Amélie Cougnon. Les membre du jury : Professeur Antonin Descampe (Université Catholique de Louvain), Professeur Øyvind Gjerstad (Université de Bergen, Norvège), et Professeure Céline Pascual Espuny (Université Aix-Marseille).

    Compte tenu de l’importance des discours en ligne sur le changement climatique, cette recherche se concentre sur la communication diffusée par les leaders d’opinion, qu’ils soient individus ou organisations, qui publient activement des messages multimodaux sur l’atténuation des effets du changement climatique en ligne. De plus, ces leaders obtiennent un niveau élevé d’engagement de la part de leur audience. Les sujets de changement climatique qu’ils abordent concernent souvent les secteurs de l’alimentation, de l’énergie et des transports, secteurs qui, selon le GIEC, nécessitent des transitions rapides et profondes.

                En se concentrant sur Instagram, l’une des plateformes de médias sociaux visuels les plus populaires en Europe, cette recherche examine les formes sémiotiques des discours sur les efforts pro-environnementaux dans les secteurs de l’alimentation, de l’énergie et des transports, tels que communiqués par les leaders d’opinion environnementaux en Belgique, en France et en Norvège, entre janvier 2021 et mars 2022. Le choix de ces pays résulte du projet international JPI Climate Solstice « 2O2CM. Réduire les freins à l’engagement climatique : une approche transversale par les sciences humaines et sociales » (change4climate.eu). L’étude évalue également comment ces messages sont perçus par les publics en termes d’obstacles à l’action pro-environnementale et de valeurs environnementales, contribuant ainsi à une compréhension plus approfondie de l’interaction entre le contenu médiatique et les attitudes du public.

                La présente recherche relie les avancées de la psychologie environnementale à la recherche sur la communication par l’identification des groupes de valeurs et leurs relations avec les obstacles mentionnés dans les posts des leaders d’opinion concernant les secteurs de l’alimentation, de l’énergie et des transports. Des recherches antérieures en psychologie environnementale basées sur des données d’enquête ont montré que l’action climatique généralisée semble plus probable lorsque les valeurs biosphériques sont fortement approuvées dans l’ensemble de la société. De surcroît, une plus forte adhésion aux valeurs égoïstes et hédoniques peut décourager l’action climatique. Cette thèse teste cette hypothèse sur les données des médias sociaux et suggère que l’analyse des relations entre les actions, les acteurs et les valeurs permettra de mieux comprendre les obstacles à l’action climatique présentés dans les messages des médias sociaux. En conséquence, cette étude complète la recherche sur les obstacles à l’action pro-environnementale, qui est généralement basée sur des données d’enquête.

    Questions de recherche

    Cette recherche répond à deux questions de recherches principales : 1) Quelles sont les formes sémiotiques des discours individuels et organisationnels sur les efforts de lutte contre le changement climatique dans les secteurs de l’alimentation, des transports et de l’énergie communiqués dans les posts des leaders d’opinion belges, français et norvégiens sur Instagram entre 2021-2022 ? 2)  Comment ces messages sont-ils perçus par les publics en termes d’obstacles à l’action pro-environnementale et de valeurs environnementales ?

    Théorie et méthodologie

    Adoptant une approche fondée sur les valeurs de la psychologie environnementale, cette thèse s’appuie sur un modèle de recherche mixte. Le corpus est constitué de 22882 posts par 120 comptes des leaders d’opinions (individus et organisations) belges, français, et norvégiens publiés sur Instagram entre janvier 2021 et mars 2022. Ces posts sont ensuite traités d’une façon semi-automatique. Une analyse de contenu automatisée établie sur une approche par dictionnaire est utilisée pour sélectionner un corpus spécifique de messages concernant les thèmes de l’alimentation, de l’énergie, et des transports. L’analyse multimodale du contenu de 2092 messages concernant les trois secteurs comprend quatre catégories de questions : 1) changement climatique et environnement, 2) actions et acteurs, 3) obstacles, 4) valeurs environnementales. Cette analyse donne un aperçu des discours environnementaux en Belgique, en France, et en Norvège.

                Afin d’examiner en profondeur la manière dont les obstacles sont communiqués dans les différents modes de communication sur Instagram, la thèse ensuite présente quatre études de cas. L’analyse multimodale du discours et l’analyse linguistique assistée par ordinateur sont appliquées aux posts pour examiner comment les obstacles, les valeurs, et les rôles narratifs sont représentés dans les études de cas. L’analyse du contenu, l’analyse linguistique assistée par ordinateur, et l’analyse des sentiments sont combinées pour étudier les obstacles, les valeurs environnementales, et les rôles narratifs qui apparaissent dans les commentaires.

    Résultats

    En analysant la variation des discours qui façonnent les croyances et les actions des citoyens en faveur d’un comportement pro-environnemental, cette recherche offre un aperçu des opinions européennes sur les solutions et les obstacles à l’atténuation du changement climatique dans les trois secteurs étudiés.

                La présente étude révèle que le secteur alimentaire est au cœur des publications des leaders d’opinion, sauf en Belgique où les organisations se concentrent davantage sur le secteur de l’énergie. Les publications sont majoritairement orientées vers des solutions, avec une attention particulière sur les régimes végétariens et la réduction de la consommation de viande, notamment en France et en Norvège. Les énergies fossiles sont régulièrement opposées aux énergies renouvelables, et l’énergie nucléaire est surtout présente dans les discours français et belges. En France, divers énonciateurs proposent des solutions dans le secteur des transports, incluant le covoiturage, l’autopartage et la collaboration avec Google Maps pour la création d’itinéraires éco-responsables.

                L’étude montre que, dans tous les pays, les actions individuelles sont souvent présentées comme des solutions concrètes, tandis que les actions collectives sont discutées de manière plus ambiguë. Les leaders d’opinion mettent en avant la responsabilité individuelle dans l’atténuation du changement climatique, alors que les organisations soulignent l’importance de l’action collective. Le rôle de l’UE dans la régulation de la crise climatique est particulièrement mentionné en Belgique.

                Les obstacles identifiés se divisent en deux catégories : les obstacles individuels (santé, sentiments, argent, stéréotypes) et les obstacles collectifs (actions des gouvernements et des entreprises), avec des obstacles transversaux incluant l’organisation de l’action, la communication et les connaissances. Sur le plan visuel, les couleurs rouge et noir sont souvent associées aux obstacles. Sur le plan verbal, les marqueurs des obstacles sont mais, certes … mais, juste, ou malheureusement.

    Les valeurs biosphériques tels que « prendre soin de la nature et l’environnement » sont les plus fréquemment citées. Les valeurs égoïstes (par exemple, « je n’ai pas d’argent pour choisir des énergies renouvelables ») et hédoniques (« ce n’est pas confortables de prendre le train pour les longues trajets ») sont le plus souvent associées aux obstacles, comme dans les études de psychologie environnementale.

    Implications

    Les résultats ont des implications pour les futures stratégies de communication environnementale, soulignant la nécessité d’une communication numérique cohérente et le potentiel des médias sociaux pour motiver les actions pro-environnementales. Outre les implications pratiques, cette étude est une contribution méthodologique précieuse combinant différentes approches informatiques et manuelles des données des médias sociaux. Ainsi, les corpus collectés peuvent être utilisés à des fins pédagogiques pour l’enseignement de la communication environnementale.

    Jean-Pierre Beaudoin a été à l’origine de la création du syndicat des relations publiques en France. Auteur de nombreux ouvrages, il a longtemps enseigné au CELSA où il fut l’un des professeurs les plus appréciés des étudiants en communication. Son agence I&E fut une pépinière de futurs talents dans les relations publiques et la communication des organisations. Il répond ici à nos questions sur le paysage des relations publiques.

    Entretien avec Thierry Libaert.


    TL : Vous avez été parmi les premiers grands professionnels de la communication à être diplômé d’une formation universitaire en communication. Peut-on encore imaginer aujourd’hui être un responsable de communication en entreprise ou en agence sans disposer d’une formation en communication ?

      Le parallélisme des évolutions entre nombre de professionnels du secteur, position de la fonction dans les organisations et niveau de formation au nombre croissant des métiers qui composent la profession donne une réponse de fait à la question. Toutes le pentes sont vers le haut. Plus les enjeux d’opinion, d’image et de réputation, autour de la valeur économique des marques notamment, deviennent cruciaux dans la société comme dans les marchés, plus le niveau professionnel doit être assuré. Cette assise de compétence résulte en particulier du passage par des formations spécifiques, qui elles-mêmes se sont multipliées, diversifiées et « musclées » pour accompagner les besoins.

      TL : Vous avez commencé votre carrière en 1970, selon vous qu’est-ce qui a le plus changé dans la communication des organisations ?

      Le changement le plus radical est sans doute le passage de la valeur du bruit à la valeur du silence. Aujourd’hui, le « bruit médiatique » est acheté comme une « commodité », alors que la capacité à « produire du silence » est devenue une spécialité à forte valeur ajoutée. Cela signale le fait que l’initiative est largement passée des dirigeants aux citoyens, des institutions aux opinions. La compétence en communication de crise, en communication dite « sensible », est plus demandée que jamais. D’où aussi la multiplication des formations sur ce thème. De niveaux et valeurs divers.

      Toutes les composantes de la communication d’aujourd’hui existaient déjà il y a 50 ans. Et avant. Leurs modalités techniques ont profondément changé, bien entendu. Le centre de gravité des politiques de communication s’est aussi déplacé. On est passé, schématiquement, du besoin de notoriété au besoin d’image, puis de réputation, puis d’influence. La logique de fond est toujours la même, qui est d’orienter les opinions, les décisions, les choix de tiers.

      Mais c’est surtout la société qui a changé et qui a conduit la communication à s’adapter : il faut être à la fois cohérent dans la durée et réactif à l’instant, plus proche des publics, qui se considèrent chacun comme unique, et plus global avec l’opinion, qui s’agrège sur des réseaux mondiaux. #metoo, ce sont des personnes. La rue Saint Guillaume, c’est une place publique pour les vents du large.

      Tout cela a modifié l’équilibre entre écoute et parole dans les temps de la communication.

      TL : Faites-vous une différence entre Communication et Relations Publiques?

      Les relations publiques sont une des disciplines de la communication. La question m’avait d’ailleurs été posée aux tout débuts de l’utilisation du terme « communication » comme tentative de substitution à celui de « relations publiques » ou de « publicité », à une époque où ces deux termes étaient vécus comme péjoratifs. Ma réponse n’a pas changé. Les relations publiques, c’est la discipline qui vise à établir et maintenir des relations efficaces avec des publics utiles. Reste à définir « efficace » et « utile ». C’est le cœur de notre fonction.

      TL : Vous avez dirigé le groupe I&E qui a été racheté par WPP qui l’a fusionné avec Burson-Marsteller, lui-même ensuite fusionné avec Cohn & Wolf puis dernièrement avec Hill & Knowlton. La concentration des agences de relations publiques est-elle inéluctable ?

      C’est la plasticité des organisations dans leur configuration sur des marchés. Chacune trouve ses interfaces et il s’en crée constamment de nouvelles. La vie, en somme.

      TL : Vous êtes un praticien qui a la particularité d’avoir été toujours proche des universitaires. Comment peut-on rapprocher ces deux univers ?

      Il faut que le goût en existe des deux côtés. Les deux ne sont jamais aussi féconds que quand ils se rencontrent vraiment. C’était l’intuition du Professeur de philosophie Charles-Pierre Guillebeau, créateur du CELSA en 1957. Paradoxalement, il y a une certaine méfiance, parfois un certain dédain, de part et d’autre. De certains praticiens pour les « intellos » et de certains universitaires pour les « mercantiles ». Dans nos métiers, on voit bien cependant que les recherches en sciences humaines produisent des trésors. Au moins dans les trois langues que j’ai la chance de parler : le français, l’anglais et l’allemand. Les traductions de l’allemand sont parfois un peu lentes à venir, mais alors on salue à juste titre Hartmut Rosa ou Niklas Luhman comme on avait salué Jürgen Habermas ou, avant lui, Hans Jonas par exemple. Et le renouvellement des auteurs en français est significatif d’une grande vitalité de ce champ. Génération après génération. Regardez l’héritage entre autres de Michel Serre, aujourd’hui la vitalité de Gérald Bronner, Cynthia Fleury ou Etienne Klein, par exemple. Leur résonance dans la société et l’opinion ne peut pas nous laisser indifférents. Pas plus que celle, persistante, de leurs grands prédécesseurs.

      TL : Notre Académie est à l’origine franco-belgo-québecoise. Voyez-vous des manières différentes selon les pays d’aborder les relations publiques?

      La chance que j’ai eue de rencontrer des professionnels de nombreux pays et de travailler avec eux dès le début des années 1970 autour de grands clients communs m’a fait découvrir que nous pratiquons bien le même métier. Ce qui change, ce sont les contextes dans lesquels notre pratique s’exerce. Et le même constat vaut pour le champ universitaire : on peut enseigner nos professions dans tous ces contextes et être pertinent. Mais à condition d’interroger les réalités de la société que nos méthodes, nos principes et notre déontologie commune doivent prendre en compte. La culture est une réalité puissante.

      Olivier Cimelière est un des meilleurs connaisseurs de la communication d’entreprise grace à sa double casquette de praticien et d’observateur. A l’occasion de la publication de son dernier livre « Entreprises, et si vous arrêtiez le coup de com », il a bien voulu répondre à nos questions.

      Entretien avec Thierry Libaert.


      TL : Les controverses semblent se radicaliser toujours davantage. Comment expliquez-vous cette montée de la radicalité? Les réseaux sociaux sont-ils seuls responsables?

      OC : Les réseaux sociaux ont indéniablement eu un effet à la fois propagateur et accélérateur. Néanmoins, ils ne sont que le véhicule d’une défiance sociétale qui n’a jamais cessé de se creuser depuis deux décennies. Le Trust Barometer d’Edelman le confirme année après année depuis 24 ans. Les acteurs comme les décideurs politiques, les médias et à un moindre degré les entreprises, sont perçus comme non-dignes de confiance de la part des citoyens. A cela, s’ajoute une autre dimension qui confère aux controverses, un écho inédit : l’instantanéité de l’information. Le moindre sujet polémique devient généralement très vite inflammable.

      Les radicalités en soi ont toujours plus ou moins existé au sein de la société. Simplement, on ne le perçoit plus pareillement car en s’emparant des réseaux sociaux pour amplifier leurs thèses, elles ne sont plus confinées à l’écart des médias. Elles parviennent à générer du bruit en mettant en scène leurs actions plus ou moins violentes. Pourtant, ces radicalités qui s’expriment sont fréquemment le fait de groupuscules qui donnent l’impression d’être actifs et influents parce qu’ils font précisément du bruit et qu’ils recourent au spectaculaire et à l’argumentaire binaire et parfois carrément menaçante pour laisser penser qu’ils sont nombreux. C’est rarement le cas.

      TL : Que peuvent faire les entreprises pour se prémunir de cette radicalité?

      OC : Les entreprises sont clairement des cibles de choix même si le risque peut varier d’un secteur d’activité à un autre. Mais elles peuvent se retrouver prises au piège de controverses qui dépassent leur simple dimension économique.

      Aujourd’hui, personne n’est invulnérable face à un déferlement numérique et médiatique. Il convient donc de mettre en place un dispositif de veille sensible permanent pour être en mesure de repérer d’éventuels signaux faibles, annonciateurs ou ferments potentiels de crises qui pourraient affecter la réputation de l’entreprise. Il est préférable de se lancer dans un tel chantier en situation de temps calme et ne pas attendre d’être sous le feu pour tenter d’y comprendre quelque chose. Cela requiert aussi de réaliser des cartographies des parties prenantes en présence, de mieux identifier les réels relais d’influence et ceux qui s’agitent dans leur coin mais sans impact particulier. Idem pour les conversations numériques relatives aux activités de l’entreprise. Bien connaître cet écosystème constitue un premier matelas qui peut largement aider à dégonfler des controverses avant qu’elles ne dégénèrent plus largement.

      TL : Quel est selon vous l’enjeu le plus important dans la communication des organisations? (Public ou privé) ?

      OC : Il n’est pas évident d’établir une stricte hiérarchie des enjeux pour les organisations qu’elles soient privées ou publiques. Cela peut varier d’un univers à l’autre mais à mes yeux, deux enjeux concernent tout le monde sans exception.

      Le premier est celui des fake news même si bien des entreprises ou des collectivités publiques persistent à penser que ce sujet n’est pas une menace pour elles. Le dernier rapport sur les risques mondiaux du Forum de Davos est pourtant sans ambages. Il place la désinformation parmi les plus grands risques pour l’humanité pour les deux prochaines années. Pas seulement au niveau électoral mais aussi en géopolitique et en concurrence économique. Des Etats comme la Chine et la Russie en ont d’ailleurs déjà fait une arme massivement utilisée pour déstabiliser un gouvernement, un secteur économique, des sociétés, etc. Et l’adjonction de l’IA générative a de surcroît nettement accru la capacité à semer le doute, le chaos et à ébranler les opinions publiques.

      Je le redis encore. Seul un dispositif de veille informationnelle peut contribuer à juguler l’impact des fake news. Actuellement, des entreprises comme Starbucks et McDonald’s font les frais d’infoxs qui les accusent de soutenir Tsahal dans sa guerre contre les fanatiques du Hamas. L’impact business sur leurs entités au Proche et Moyen-Orient (mais aussi en Malaisie ou encore en Indonésie) est particulièrement prononcé bien que les deux enseignes aient démenti tout support envers l’un ou l’autre des belligérants.

      Ensuite, le deuxième enjeu est l’acceptabilité d’une activité par la communauté qui l’entoure. Longtemps, les entreprises et les pouvoirs politiques ont d’abord surfé sur les arguments du développement économique et de l’emploi pour faire accepter l’ implantation (ou l’extension) d’une entreprise ou d’un nouvel aménagement d’une infrastructure. L’argument est de plus en plus caduc. Les questions environnementales pèsent de façon massive et croissante dans la balance pour qu’une population daigne considérer la présence d’une usine, d’un magasin, d’un axe routier ou d’un barrage hydroélectrique.

      Les organisations vont devoir écouter plus activement mais également amender ou intégrer des doléances justifiées si elles veulent pouvoir maintenir ou développer leur activité et demeurer acceptable dans leur écosystème. Les passages en force à grand renfort de communication cosmétique ou onirique fonctionnent de moins en moins bien et coûtent en plus des sommes astronomiques qui pourraient être utilisées autrement et plus efficacement.

      TL : La désinformation concerne aussi et de plus en plus les entreprises. Comment peuvent-elles réagir à l’heure où leur parole est de + en + mise en doute?

      OC : Avant de réagir à une action de désinformation, il convient de bien mesurer la teneur de celle-ci, son origine, ses commanditaires et d’estimer si un impact majeur est probable ou pas. En effet, en situation sensible, il est impératif de ne pas surréagir au risque de rendre encore plus visible un sujet qui passait jusque-là sous les radars de l’agenda médiatique. D’où, je le répète encore, le recours à un dispositif de veille permanent.

      Ensuite, face à la désinformation, je vois essentiellement deux axes à travailler. En temps calme, il s’agit de prendre le pouls des parties prenantes, de véritablement échanger constamment, voire de les associer à la co-construction de projets. En cas de crise aigüe, elles constitueront autant de tiers de confiance qui peuvent aider à objectiver et contrer les fausses affirmations. La voix de l’entreprise est évidemment majeure mais elle ne suffit plus. Comme vous le dites, elle est de plus en plus questionnée et suspectée. Si elle prend soin de communiquer à bon escient et ouvertement, sa parole en sera d’autant plus crédible et efficace.

      Enfin, dans le cas de grave crise ouverte, l’entreprise se doit de réagir et faire entendre ses arguments par tous les canaux possibles auprès des publics concernés. Rester coite ou faire le dos rond, c’est prendre le risque extrême de se faire encore plus enfoncer et quelque part accréditer les infoxs. Être silencieux aujourd’hui, revient à être un potentiel coupable. Il restera évidemment toujours des zones grises, des gens qui continueront de souscrire à la désinformation mais qu’importe. Il est essentiel de laisser des empreintes numériques sur un sujet délicat. D’autant que celui-ci peut ressurgir inopinément. Ne pas documenter publiquement revient là aussi à laisser la place aux falsificateurs d’informations.

      TL : En matière de communication de crise, on a le sentiment que malgré le progrès des connaissances, les entreprises sont toujours désemparées lorsqu’une crise surgit. Comment expliquer ce décalage ?

      OC : C’est effectivement un constat que je partage et qui me rend souvent perplexe. La gestion de crise s’est en effet grandement professionnalisée. Nous disposons d’outils de veille nettement plus puissants qu’auparavant et pourtant les mêmes erreurs d’appréciation et les mêmes postures de déni persistent çà et là. La communication de crise n’est certes pas une science exacte (même s’il y a des rouages systémiques récurrents) mais c’est une expertise qui est dorénavant largement documentée depuis plus de 40 ans. Même les cybercrises plus récentes disposent d’un solide corpus de cas d’études et de bonnes pratiques.

      Je crois en fait que c’est probablement le bug humain qui est souvent à l’œuvre et qui induit alors des faux pas préjudiciables à l’organisation. Face à une crise, il y a notamment la sidération qui inhibe les décideurs. Surtout s’ils ne se sont jamais préparés et entrainés via des exercices de simulation qui sont pourtant d’excellents outils pour s’améliorer et gagner en résilience et en bons réflexes. La tentation alors est d’esquiver, voire d’élucubrer pour tenter d’éteindre l’incendie ou pire, mentir, ne rien dire ou trouver un bouc émissaire. Actuellement, Nestlé est étonnamment dans cette posture avec les affaires Buitoni et celles des eaux minérales filtrées illégalement. Résultat : la pression médiatique est intense et le cours de Bourse a même significativement reculé alors que le géant suisse est d’ordinaire une valeur sûre.

      On retrouve pareille attitude lorsque des signaux faibles apparaissent et laissent supposer qu’une crise pourrait survenir. La propension à mettre sous le tapis plutôt que régler le dysfonctionnement, reste une attitude courante. Peut-être que certains misent cyniquement sur le « pas vu, pas pris » ? C’est excessivement dangereux (et irresponsable). Tout finit par se savoir de nos jours. Il suffit d’une fuite informationnelle, un ancien salarié mécontent, un lanceur d’alerte ou autre et la crise éclate.

      Une autre faille qui peut expliquer ce que vous décrivez, est enfin l’empressement à revenir à une situation normale et à vite oublier. Or, lorsqu’une crise est enfin retombée, les organisations ne font pas toutes des « retex » (retour d’expérience) où l’on passe au crible l’intégralité des faits survenus durant la crise pour définir des pistes de progrès. C’est dommage. Ce genre d’exercice permet d’optimiser et de ne pas reproduire des erreurs. Mais là encore, on rencontre parfois une omerta interne qui a juste envie de passer à autre chose sans en tirer les conséquences.

      André de Marco à propos des mutations dans le domaine de la communication organisationnelle

      André de Marco est l’un des pionniers de la communication d’entreprise en France. Après une maîtrise en communication à la Sorbonne au début des années 70, il s’engage dans la pratique et devient en 1983 directeur de la communication du groupe Bull puis 3 ans après de Rhône-Poulenc où il dirigea la communication durant 12 années.

      A l’heure où la communication organisationnelle semble en révolution constante, il a bien voulu répondre à nos questions sur les mutations du domaine.


      Vous avez été l’un des premiers professionnels de la communication. Vous avez été dircom de plusieurs grandes organisations (Rhône Poulenc, Bull, Rank Xerox, Hill & Knowlton, Institut Pasteur). Diriez-vous que les fondamentaux de la communication sont toujours les mêmes et qu’est-ce qui a le plus changé dans la communication des entreprises ?

      Dans les années 80, les professionnels de ce qui s’appelait encore « Relations publiques », ont donné une nouvelle impulsion à leur métier, jusqu’à en modifier les contenus et l’identité pour le nommer « communication ». Elle marquait le passage des outils d’information à sens unique vers une meilleure prise en compte des attentes des différentes parties prenantes. L’entrée des directeurs de la communication dans les équipes de direction des entreprises et des institutions a modifié le positionnement et le rôle de la communication.

      L’importance des enjeux de l’image et de la réputation, y compris pour les relations avec les autorités, avec les investisseurs, avec les jeunes diplômés, a commencé à faire évoluer les pratiques et les moyens. Passage de la connaissance des produits ou des services, à la recherche de relations plus confiantes avec les différents partenaires internes et externes. Souci de la réputation, de l’acceptabilité, de la confiance, pour l’ensemble de l’institution et pour ses dirigeants.

      L’impact des différentes crises et l’arrivée du numérique ont marqué la communication du début des années 2000. Aujourd’hui, le digital et les réseaux « dits sociaux » apportent de nouvelles techniques, l’immédiateté de l’information, la prolifération des expressions personnelles et anonymes, qui rendent la communication moins humaine, ou moins chaleureuse.

      Vous avez été à l’origine de la première campagne de communication corporate sur l’environnement lorsque vous avez été dircom de Rhône Poulenc. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la communication environnementale et l’émergence de la communication responsable ?

      La communication environnementale a trois facettes – l’information et le dialogue sur les préoccupations environnementales, – la promotion de produits ou de services par leurs vertus prétendues environnementales – la responsabilité environnementale de l’entreprise.

      Dans le cas de Rhône-Poulenc, qui avait quatre métiers : la chimie, la santé, le textile, la protection des plantes, nous avions fait le choix de bâtir une identité commune sur la responsabilité sociétale.  Faire comprendre et accepter l’engagement de responsabilité environnementale d’une entreprise dont les activités reposaient toutes sur la chimie était paradoxal et un pari dangereux. Il a heureusement réussi parce qu’il a été rendu possible par une réelle volonté stratégique au plus haut niveau de l’entreprise.

      Aujourd’hui, alors que tout ce qui a trait à l’environnement est omniprésent dans les médias, dans les consciences, dans les lois, et progresse enfin dans les pratiques, il devient plus difficile d’être véritablement crédible en communication environnementale.  Les bonnes intentions et les progrès même incontestables, risquent des effets boomerang destructeurs. 

      Malgré le travail mené ces dernières années, la communication responsable a encore beaucoup de mal à s’affirmer et à convaincre.  La persistance et surtout la remontée des climato sceptiques est un échec cuisant qui doit tous nous faire réfléchir.

      La communication de crise apparaît omniprésente dans la communication des organisations. Avec la place prise par les réseaux sociaux, pensez-vous qu’on gère une crise de la même manière maintenant qu’il y a 30 ans ?

      Indépendamment de l’évidence du rôle pris par les réseaux sociaux dans la communication de crise il ne me semble plus possible de gérer les crises comme il y a trente ans. Les crises sont de plus en plus fréquentes, permanentes disent certains professionnels. Elles sont de plus en plus complexes par leur nature et leurs extensions. La parabole du battement d’aile du papillon déclenchant une catastrophe à l’autre bout du monde, se constate tous les jours. La rapidité de réaction est indispensable, ne serait-ce que pour limiter la multiplication des déclarations de tous ceux qui « parlent avant de savoir et surtout sans savoir ». En préventif, il faut renforcer chaque jour le capital de réputation et de confiance de l’institution et de ses dirigeants. Plus que jamais, veiller à dire la vérité dès les premières minutes et veiller à la transparence. Cultiver l’humilité pouvant aller jusqu’aux excuses, au renoncement à des produits ou services, à des pratiques et des comportements.

      En parallèle avec vos responsabilités de directeur de la communication, vous avez toujours enseigné votre savoir aux étudiants. Quel regard portez-vous sur l’enseignement de la communication d’entreprise dans les universités ?

      Je suis trop éloigné des pratiques actuelles pour pouvoir apporter un avis pertinent sur ces enseignements en mouvement permanent.  J’ai arrêté d’enseigner quand je me suis rendu compte, n’étant plus à 100% en activité de communication, que je n’étais plus en mesure d’apporter le meilleur d’aujourd’hui aux étudiants. J’ai toujours été surpris des appels que je recevais de personnes qui se voyaient chargées d’enseigner la communication dans une école ou une université et me demandaient, « mes slides » comme on le disait à l’époque. Je crois que l’enseignement de la communication n’est pas uniquement une transmission de savoirs. Je pense que c’est avant tout la transmission de convictions, d’attitudes et de comportements. Apprendre à bien faire, plutôt que le savoir. J’ai toujours apprécié les bénéfices croisés de mes activités professionnelles au service de l’enseignement et de l’enseignement dans l’exercice de mon métier.

      Compte-rendu de la conférence : Communication européenne, comment se faire entendre ?

      Le 26 mars dernier, l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible (ACCS) a organisé son premier séminaire de l’année 2024, axé sur le thème de la communication européenne.


      Thierry Libaert, président de l’ACCS, a ouvert la conférence en soulignant trois défis majeurs de la communication européenne : le manque d’une voix principale, l’absence d’un récit commun européen et le défaut d’une incarnation claire dans cette communication.

      George Lewi a ensuite abordé le concept de la « marque Europe ». Il propose trois temps clés d’une marque : sa naissance, sa sagesse et la construction de son mythe, symbolisant sa pérennité. La période de naissance de l’Europe s’est ainsi étendue jusqu’en 1979, année marquée par les premières élections au suffrage universel de l’UE. La phase de sagesse a ensuite été caractérisée par la construction de la marque, notamment via la signature de nombreux traités. En 1999, avec l’introduction de l’Euro, a commencé une nouvelle ère marquée par l’affirmation de la puissance européenne, mais aussi par des tensions internes. Pour conclure, monsieur Lewi a souligné deux marques fortes de l’Europe : l’Euro et Erasmus, symbolisant la facilité d’échange et de mobilité au sein de l’Union. Il a plaidé pour le développement continu de la marque Europe autour de valeurs telles que la rencontre entre les peuples, à l’instar du succès d’Erasmus.

      Karine Johannes a ensuite examiné la communication européenne en dehors du continent, en présentant d’abord sur les 139 délégations de l’UE dans le monde. Ses recherches lui ont permis d’identifier trois paradigmes communicationnels : diplomatique publique, communicationnel et médiatique. Madame Johannes a enfin souligné les différences dans la communication européenne à l’étranger vs sur le territoire, notamment la présence d’un émetteur unique incarné par l’ambassadeur ou l’ambassadrice et l’existence de rituels et de mythes fondateurs.

      Nicolas Baygert a conclu la conférence en abordant le leadership européen et son impact sur la marque de l’UE. Il a noté la compétition entre les présidents de l’Union européenne, exacerbée par l’ambiguïté des rôles définis par les différents traités. Cette rivalité se traduit par des conflits de visibilité médiatique et d’influence politique. Il conclue en suggérant une fusion des différentes présidences pour une Europe plus efficace et plus forte. 

      Si vous avez manqué la conférence, vous pouvez la visionner sur notre chaîne YouTube : https://youtu.be/nvneCdVlQbw

      2ème Édition du Congrès International des Sciences de la Communication

      Le Congrès International des Sciences de la Communication (CISC) est un événement de premier plan dans le domaine de la communication, rassemblant des chercheurs, des professionnels et des étudiants du monde entier. Organisée par l’École Normale Supérieure de Tétouan et le Laboratoire de Recherche en Sciences de la Communication, l’édition 2024 se déroulera à Martil du 28 au 30 novembre 2024, sous le thème stimulant :

      « Pour des communications mobilisantes (enfin) pour la planète ».

      Le choix de ce thème crucial découle de l’œuvre inspirante du conférencier principal du CISC’24, le professeur Thierry Libaert, auteur du livre

       « Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète. »

      Le but est de mettre en lumière le rôle essentiel des communications dans la mobilisation en faveur de la protection de notre planète et de ses ressources.

      Axes thématiques :

      • Communications sensibles, Médias et presse ;
      • Communication des institutions et des organisations ;
      • Communication socio-pédagogique et TICE ;
      • Communication digitale et processus de digitalisation.

      Le Congrès International des Sciences de la Communication (CISC) à Martil en 2024 promet d’être une plateforme dynamique pour explorer les défis et les opportunités des communications en faveur de la planète. Nous sommes impatients d’accueillir des contributions de chercheurs du monde entier et de stimuler des discussions enrichissantes pour favoriser un changement positif vers un avenir durable.

      Le Congrès International des Sciences de la Communication (CISC) est honoré et enchanté d’accueillir le professeur Thierry Libaert en tant que conférencier principal pour l’édition 2024 à Martil. Référence absolue communication, auteur renommé et expert reconnu dans son domaine, le professeur Libaert apporte une perspective unique et inestimable sur les défis et les opportunités des communications pour la mobilisation en faveur de la planète.

      Sa contribution, inspirée par son ouvrage « Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète », promet d’enrichir les discussions et d’éclairer les participants sur les stratégies de communication efficaces pour sensibiliser et mobiliser l’action en faveur de l’environnement. Son expertise et son engagement envers la cause environnementale sont une source d’inspiration pour tous ceux qui aspirent à un changement positif et durable.

      Le CISC exprime sa gratitude envers le professeur Thierry Libaert pour sa participation et se réjouit de l’opportunité de partager ses idées novatrices avec la communauté internationale des chercheurs, des professionnels et des étudiants en sciences de la communication. Sa présence illustre l’importance et la pertinence de notre engagement commun envers la promotion de communications mobilisantes pour la planète.

      Nous avons le plaisir de vous inviter à soumettre vos propositions de communication pour la 2ème Édition du Congrès International des Sciences de la Communication (CISC24), organisée par l’École Normale Supérieure de Tétouan et le Laboratoire de Recherche en Sciences de l’Information, de la Communication et du Discours. L’événement se déroulera du 28 au 30 novembre 2024 à Martil, au Maroc.

      Instructions pour la soumission :

      Les auteurs intéressés sont invités à soumettre un résumé de leur communication (300 mots minimum ; 500 mots maximum), à soumettre avant la date limite de soumission.

      Les résumés doivent être envoyés par voie électronique sur la plateforme dédiée.

      Calendrier :

      A consulter sur le site du CISC24

      Nous accueillons les contributions de chercheurs, d’enseignants, de professionnels et d’étudiants intéressés par les sciences de la communication. Les communications sélectionnées seront présentées lors des sessions parallèles lors du congrès.

      Pour de plus amples informations sur les modalités de soumission, veuillez consulter le site web du congrès :

      www.cisc24.lacommunication.ma

      Nous attendons avec impatience de recevoir vos propositions et de vous accueillir à Martil pour ce moment d’échange et de partage scientifique.

      L’acceptabilité sociale de la transition écologique par Stéphanie Yates, PhD

      Stéphanie Yates est professeure au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre du Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval. Politologue de formation (Ph.D Université Laval 2010), elle étudie le rôle des citoyens et des groupes d’intérêt dans la gouverne des États et des entreprises. Dans cette perspective, elle se penche sur les stratégies de médiatisation des acteurs publics et privés en lien avec le lobbyisme, la participation publique, l’acceptabilité sociale et la responsabilité sociale des organisations. Elle s’intéresse également à la communication environnementale. Partant d’une approche interdisciplinaire, elle a publié de nombreux articles et chapitres dans des publications en communication, en science politique et en administration publique. Elle est également la directrice de l’ouvrage Introduction aux relations publiques. Fondements, enjeux et pratiques, publié aux Presses de l’Université du Québec en 2018.

      Vous travaillez depuis quelques années sur l’acceptabilité sociale de la transition écologique. Pourquoi s’y intéresser ?

      Face à la crise climatique, des choix sociétaux difficiles devront être faits, à la fois pour tenter de freiner le réchauffement de la planète et pour s’adapter aux changements climatiques. La transition des énergies fossiles vers des énergies renouvelables ou moins polluantes suscite déjà de vives tensions sociales, que l’on pense aux mobilisations citoyennes liées à l’exploitation des minéraux critiques et stratégiques (graphite, lithium) ou à l’éventuelle construction de nouveaux barrages hydro-électriques au Québec, ou encore aux taxes sur le carburant ou au retour du nucléaire en France.

      Les vives controverses liées à ces projets de transition énergétique laissent présager l’intensité des débats qui nous attendent. Car la transition ne pourra qu’être énergétique : elle devra aussi être écologique. C’est en effet une véritable remise en question de nos modes de vie qui nous attend, et en son cœur, un nouveau regard sur la notion de croissance sous-jacente à nos économies occidentales, qu’on devra inévitablement remettre en question. En somme, les conflits à venir posent avec encore plus d’acuité la notion d’acceptabilité sociale.

      Le terme d’acceptabilité sociale est apparu dans l’espace public il y a déjà plusieurs années, mais on a l’impression qu’il demeure flou et difficilement mesurable. Comment déterminer si un projet est socialement acceptable ?

      L’acceptabilité sociale correspond à un jugement collectif à l’endroit d’un projet ou d’une politique, appelé à évoluer dans le temps. On sait aujourd’hui que plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’acceptabilité d’un projet : au-delà de ses attributs techniques et financiers, sa raison d’être d’abord, son adéquation avec la vision et les valeurs d’une collectivité donnée, mais aussi la confiance qu’on accorde à son promoteur. Or, chaque cas est unique et tributaire des dynamiques sociopolitiques en présence. Il n’y a pas de recette qui fonctionnerait à tout coup ! Ultimement, en phase avec notre système de démocratie représentative, c’est aux autorités politiques à jouer le rôle d’arbitre en déterminant si un projet est socialement acceptable, mais cette évaluation reste fondée sur une analyse relativement subjective de la situation.

      Que peuvent faire les autorités politiques pour être mieux outillées en la matière ?

      Les autorités locales sont souvent les premières interpellées par les débats autour de projets qui soulèvent des enjeux d’acceptabilité. Les communautés riveraines, appelées à subir les externalités négatives de ces projets, sont en effet souvent celles qui se braquent en premier. Si, dans un premier temps, leurs réactions sont typiquement qualifiées de l’incarnation du proverbial syndrome du « pas dans ma cours », on se rend compte, en écoutant leurs arguments, que leur opposition est beaucoup plus profonde et questionne la légitimité même des projets débattus, leur nécessité et donc leur raison d’être. Ces communautés locales jouent ainsi un rôle de lanceur d’alerte, en quelque sorte. Les autorités locales, quant à elles, sont souvent bien mal outillées pour faire face à ce type d’opposition. Elles ont aussi parfois les mains liées, notamment en raison des redevances qu’elles attendent de ces projets, qui ont souvent été discutées avec les promoteurs bien en amont, et en toute confidentialité. C’est un cocktail parfait pour une situation explosive… qui se termine souvent, on l’a vu au fil de plusieurs cas, par le rejet de projets dans lesquels temps, énergie et argent ont déjà été investis.  

      Comment alors éviter de telles situations ?

      Les projets les mieux réussis sont ceux qui s’ancrent dans une vision partagée du développement d’un territoire donné. Cela implique d’instaurer un dialogue avec les populations locales bien en amont d’un projet donné, afin de coconstruire cette vision et de réfléchir à la vocation qu’on veut donner aux différents espaces d’un territoire. C’est à travers ce type d’exercice, qui se doit d’être le plus inclusif possible, qu’on pourra aussi s’entendre sur les compromis qui seront nécessaires pour réaliser la transition écologique qui nous attend.

      Et enfin, quel est le rôle de la communication dans ces processus?

      La communication est constitutive de l’acceptabilité sociale, elle est en son cœur. C’est en effet à travers la communication que les différents discours sont portés dans l’espace public sous le prisme de différentes stratégies d’argumentation. C’est aussi à travers la communication que se construisent les différentes formes de légitimité autour du projet. La légitimité du projet en lui-même – sa raison d’être – et celle de son promoteur en tant que porteur de divers engagements ; celle des autorités publiques en tant que fiduciaire de l’intérêt public, et enfin celle des acteurs sociaux en tant qu’intervenants qui ont leur mot à dire dans les débats. C’est aussi à travers la communication que pourront s’instaurer les dialogues nécessaires à la construction d’une vision partagée de ce que pourra être cette transition écologique qui nous attend.

      Conférence – Communication européenne, comment se faire entendre ?

      L’Académie des controverses et de la Communication Sensible est ravie de vous inviter à un événement en ligne qui explorera les facettes complexes de la communication européenne.

      Rejoignez-nous le mardi 26 mars de 18h00 à 19h30 (heure de Paris) et de 13h00 à 14h30 (heure du Québec) sur la plateforme Zoom pour une série de discussions stimulantes animées par des experts éminents.

      Déroulement de l’événement :

      Introduction par Thierry Libaert, président de l’ACCS

      • « L’Europe, une bonne marque?  » par Georges Lewi, spécialiste des marques
      • « La communication européenne en dehors de l’Union Européenne » par Karine Johannes, professeure à l’Université internationale de Rabat
      • « Le leadership européen et son Influence sur la « marque UE » par Nicolas Baygert, enseignant, Sciences Po Paris
      • Période d’échange et de questions

      Conclusion par Bernard Motulsky, vice-président de l’ACCS

      Nous avons hâte de vous retrouver en ligne le 26 mars !