Transmettre son message à l’ère des médias sociaux : le regard de Bernard Motulsky

Avec l’information qui circule à la vitesse du clic, l’expertise en relations publiques est de plus en plus sollicitée.

Lundi matin, 8 h 30. Dans la salle de réunion de la mairie de Saint-Laurent, on discute de l’état des communications entre l’arrondissement et les citoyens. Le rapport qui sert de base à la discussion a été rédigé par Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing, et Flore Tanguay-Hébert, chercheuse à la chaire. «On voit clairement une déconnexion entre nos messages et ce qui est reçu par les citoyens», dit Geneviève Bouchard, chargée de communication à l’arrondissement.

Pour illustrer son propos, Geneviève Bouchard relate sa rencontre avec une enseignante qui souhaitait que l’on parle d’environnement dans les écoles. «Ça fait plus de 10 ans que le programme Mon école écolo, créé par l’arrondissement, visite les 22 écoles primaires de Saint-Laurent!, s’exclame la chargée de projet. On a effectué des corvées de nettoyage, implanté des bacs de compostage, planté des fleurs, fabriqué des instruments de musique à partir de matériel recyclé… Qu’une enseignante ne soit même pas au courant que ce programme existe dans sa propre école m’a sidérée.»

Les personnes autour de la table évoquent également la faible fréquentation des activités culturelles proposées par l’arrondissement, «une anomalie compte tenu de la qualité des productions». Paul Lanctôt, adjoint au directeur d’arrondissement et chef de division des communications et relations avec les citoyens, partage le sentiment de la chargée de communication. «Nous avons pourtant une grosse équipe, beaucoup de moyens et une panoplie d’outils traditionnels et numériques pour communiquer, dit-il. Pourquoi est-ce que le message ne passe pas?» Il soumet l’hypothèse que la diversité de la population – tant sur les plans de la langue, du statut socioéconomique, de l’origine que de l’âge – y soit pour quelque chose.

La discussion s’oriente ensuite sur la page Facebook de l’arrondissement. Tous s’entendent pour apprécier la richesse de ses contenus et le dynamisme déployé par l’équipe qui gère les réseaux sociaux. «À Saint-Laurent, quand nous tentons d’engager la conversation avec nos citoyens, c’est trop souvent à sens unique», se désole Paul Lanctôt. À titre d’exemple, il compare sa page Facebook à celle du Plateau-Mont-Royal. Les deux arrondissements comptent sensiblement la même population – environ 100 000 habitants –, mais la page Facebook du Plateau Mont-Royal est suivie par deux fois plus de citoyens que celle de Saint-Laurent (11 000 contre 5500).

Dans certains cas, heureusement, le message passe bien. «À l’été 2017, nous avons fait un mini-sondage peu avant l’ouverture du nouveau complexe sportif, et plus de 90 % des citoyens en avaient entendu parler», mentionne Geneviève Bouchard.

Avant de clore la réunion, on convient de réaliser un sondage de grande ampleur pour mieux connaître la population, son sentiment d’appartenance, ses canaux de communication privilégiés et les sujets qui la préoccupent.

Créneau porteur

Bernard Motulsky.
Photo: Émilie Tournevache

L’idée de ce partenariat entre l’arrondissement et la Chaire de relations publiques et communication marketing est née de la démarche de consultation citoyenne Demain à Saint-Laurent, menée par l’arrondissement en 2016. Après avoir constaté un écart important entre les efforts de communication de l’arrondissement et l’information reçue par les citoyens, Paul Lanctôt a contacté le titulaire de la chaire, Bernard Motulsky, qu’il voyait régulièrement dans les médias commenter des enjeux de communication. «Peu de recherches ont été effectuées dans le domaine de la communication municipale, mais c’est un créneau très porteur, mentionne le professeur du Département de communication sociale et publique. Nous avons donc décidé d’accompagner les gens de l’arrondissement dans leurs réflexions et de les aider à développer les meilleures pratiques.»

La Chaire a été fondée en 2002 par la professeure Danielle Maisonneuve. Dirigée depuis 2008 par Bernard Motulsky, elle s’intéresse à divers enjeux liés aux relations publiques et à la communication marketing. Une vingtaine de chercheurs travaillent sur une panoplie de sujets : outre la communication municipale, des recherches ont notamment porté sur les pratiques de communication dans les organisations coopératives, sur la place de l’éthique dans le travail des relationnistes et des communicateurs, et sur la communication dans le contexte des grands projets.

La Chaire a développé une expertise, unique dans le monde francophone, sur la communication des risques météorologiques à l’ère des changements climatiques. «Des collègues du Département de géographie nous ont fait part des immenses besoins en communication et en formation dans ce domaine, et nous avons décidé de jumeler nos expertises respectives», souligne Bernard Motulsky. Depuis, la Chaire a contribué à d’importantes réalisations : création d’un programme de recherche financé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) sur la variabilité du climat avec des chercheurs du Maroc et du Niger; publication d’un manuel sur la communication des risques météorologiques et climatiques; mise sur pied d’une école d’été sur la réduction des impacts et la communication des risques météorologiques; création d’un cours axé sur la communication au diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en gestion des risques majeurs. La Chaire a aussi offert des formations à des météorologues au Québec et ailleurs.

Présence médiatique

À l’ère des médias sociaux, avec l’information qui circule à la vitesse du clic, l’expertise en relations publiques et en communication marketing est de plus en plus sollicitée. Bernard Motulsky est régulièrement interviewé dans les médias sur des sujets allant de la gestion de l’image publique à la gestion de crise, en passant par l’analyse des grands événements politiques et sportifs. «L’angle de la communication est beaucoup plus présent aujourd’hui qu’il ne l’était il y a quelques années, remarque le chercheur. Le fait que nous soyons régulièrement interpellés sur différents dossiers d’actualité est une avancée importante non seulement pour la Chaire, mais pour l’ensemble de la profession.»

(Article publié initialement dans INTER, magazine de l’Université du Québec à Montréal, Vol. 16, no 1, printemps 2018.)