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Olivier Cimelière est un des meilleurs connaisseurs de la communication d’entreprise grace à sa double casquette de praticien et d’observateur. A l’occasion de la publication de son dernier livre « Entreprises, et si vous arrêtiez le coup de com », il a bien voulu répondre à nos questions.

Entretien avec Thierry Libaert.


TL : Les controverses semblent se radicaliser toujours davantage. Comment expliquez-vous cette montée de la radicalité? Les réseaux sociaux sont-ils seuls responsables?

OC : Les réseaux sociaux ont indéniablement eu un effet à la fois propagateur et accélérateur. Néanmoins, ils ne sont que le véhicule d’une défiance sociétale qui n’a jamais cessé de se creuser depuis deux décennies. Le Trust Barometer d’Edelman le confirme année après année depuis 24 ans. Les acteurs comme les décideurs politiques, les médias et à un moindre degré les entreprises, sont perçus comme non-dignes de confiance de la part des citoyens. A cela, s’ajoute une autre dimension qui confère aux controverses, un écho inédit : l’instantanéité de l’information. Le moindre sujet polémique devient généralement très vite inflammable.

Les radicalités en soi ont toujours plus ou moins existé au sein de la société. Simplement, on ne le perçoit plus pareillement car en s’emparant des réseaux sociaux pour amplifier leurs thèses, elles ne sont plus confinées à l’écart des médias. Elles parviennent à générer du bruit en mettant en scène leurs actions plus ou moins violentes. Pourtant, ces radicalités qui s’expriment sont fréquemment le fait de groupuscules qui donnent l’impression d’être actifs et influents parce qu’ils font précisément du bruit et qu’ils recourent au spectaculaire et à l’argumentaire binaire et parfois carrément menaçante pour laisser penser qu’ils sont nombreux. C’est rarement le cas.

TL : Que peuvent faire les entreprises pour se prémunir de cette radicalité?

OC : Les entreprises sont clairement des cibles de choix même si le risque peut varier d’un secteur d’activité à un autre. Mais elles peuvent se retrouver prises au piège de controverses qui dépassent leur simple dimension économique.

Aujourd’hui, personne n’est invulnérable face à un déferlement numérique et médiatique. Il convient donc de mettre en place un dispositif de veille sensible permanent pour être en mesure de repérer d’éventuels signaux faibles, annonciateurs ou ferments potentiels de crises qui pourraient affecter la réputation de l’entreprise. Il est préférable de se lancer dans un tel chantier en situation de temps calme et ne pas attendre d’être sous le feu pour tenter d’y comprendre quelque chose. Cela requiert aussi de réaliser des cartographies des parties prenantes en présence, de mieux identifier les réels relais d’influence et ceux qui s’agitent dans leur coin mais sans impact particulier. Idem pour les conversations numériques relatives aux activités de l’entreprise. Bien connaître cet écosystème constitue un premier matelas qui peut largement aider à dégonfler des controverses avant qu’elles ne dégénèrent plus largement.

TL : Quel est selon vous l’enjeu le plus important dans la communication des organisations? (Public ou privé) ?

OC : Il n’est pas évident d’établir une stricte hiérarchie des enjeux pour les organisations qu’elles soient privées ou publiques. Cela peut varier d’un univers à l’autre mais à mes yeux, deux enjeux concernent tout le monde sans exception.

Le premier est celui des fake news même si bien des entreprises ou des collectivités publiques persistent à penser que ce sujet n’est pas une menace pour elles. Le dernier rapport sur les risques mondiaux du Forum de Davos est pourtant sans ambages. Il place la désinformation parmi les plus grands risques pour l’humanité pour les deux prochaines années. Pas seulement au niveau électoral mais aussi en géopolitique et en concurrence économique. Des Etats comme la Chine et la Russie en ont d’ailleurs déjà fait une arme massivement utilisée pour déstabiliser un gouvernement, un secteur économique, des sociétés, etc. Et l’adjonction de l’IA générative a de surcroît nettement accru la capacité à semer le doute, le chaos et à ébranler les opinions publiques.

Je le redis encore. Seul un dispositif de veille informationnelle peut contribuer à juguler l’impact des fake news. Actuellement, des entreprises comme Starbucks et McDonald’s font les frais d’infoxs qui les accusent de soutenir Tsahal dans sa guerre contre les fanatiques du Hamas. L’impact business sur leurs entités au Proche et Moyen-Orient (mais aussi en Malaisie ou encore en Indonésie) est particulièrement prononcé bien que les deux enseignes aient démenti tout support envers l’un ou l’autre des belligérants.

Ensuite, le deuxième enjeu est l’acceptabilité d’une activité par la communauté qui l’entoure. Longtemps, les entreprises et les pouvoirs politiques ont d’abord surfé sur les arguments du développement économique et de l’emploi pour faire accepter l’ implantation (ou l’extension) d’une entreprise ou d’un nouvel aménagement d’une infrastructure. L’argument est de plus en plus caduc. Les questions environnementales pèsent de façon massive et croissante dans la balance pour qu’une population daigne considérer la présence d’une usine, d’un magasin, d’un axe routier ou d’un barrage hydroélectrique.

Les organisations vont devoir écouter plus activement mais également amender ou intégrer des doléances justifiées si elles veulent pouvoir maintenir ou développer leur activité et demeurer acceptable dans leur écosystème. Les passages en force à grand renfort de communication cosmétique ou onirique fonctionnent de moins en moins bien et coûtent en plus des sommes astronomiques qui pourraient être utilisées autrement et plus efficacement.

TL : La désinformation concerne aussi et de plus en plus les entreprises. Comment peuvent-elles réagir à l’heure où leur parole est de + en + mise en doute?

OC : Avant de réagir à une action de désinformation, il convient de bien mesurer la teneur de celle-ci, son origine, ses commanditaires et d’estimer si un impact majeur est probable ou pas. En effet, en situation sensible, il est impératif de ne pas surréagir au risque de rendre encore plus visible un sujet qui passait jusque-là sous les radars de l’agenda médiatique. D’où, je le répète encore, le recours à un dispositif de veille permanent.

Ensuite, face à la désinformation, je vois essentiellement deux axes à travailler. En temps calme, il s’agit de prendre le pouls des parties prenantes, de véritablement échanger constamment, voire de les associer à la co-construction de projets. En cas de crise aigüe, elles constitueront autant de tiers de confiance qui peuvent aider à objectiver et contrer les fausses affirmations. La voix de l’entreprise est évidemment majeure mais elle ne suffit plus. Comme vous le dites, elle est de plus en plus questionnée et suspectée. Si elle prend soin de communiquer à bon escient et ouvertement, sa parole en sera d’autant plus crédible et efficace.

Enfin, dans le cas de grave crise ouverte, l’entreprise se doit de réagir et faire entendre ses arguments par tous les canaux possibles auprès des publics concernés. Rester coite ou faire le dos rond, c’est prendre le risque extrême de se faire encore plus enfoncer et quelque part accréditer les infoxs. Être silencieux aujourd’hui, revient à être un potentiel coupable. Il restera évidemment toujours des zones grises, des gens qui continueront de souscrire à la désinformation mais qu’importe. Il est essentiel de laisser des empreintes numériques sur un sujet délicat. D’autant que celui-ci peut ressurgir inopinément. Ne pas documenter publiquement revient là aussi à laisser la place aux falsificateurs d’informations.

TL : En matière de communication de crise, on a le sentiment que malgré le progrès des connaissances, les entreprises sont toujours désemparées lorsqu’une crise surgit. Comment expliquer ce décalage ?

OC : C’est effectivement un constat que je partage et qui me rend souvent perplexe. La gestion de crise s’est en effet grandement professionnalisée. Nous disposons d’outils de veille nettement plus puissants qu’auparavant et pourtant les mêmes erreurs d’appréciation et les mêmes postures de déni persistent çà et là. La communication de crise n’est certes pas une science exacte (même s’il y a des rouages systémiques récurrents) mais c’est une expertise qui est dorénavant largement documentée depuis plus de 40 ans. Même les cybercrises plus récentes disposent d’un solide corpus de cas d’études et de bonnes pratiques.

Je crois en fait que c’est probablement le bug humain qui est souvent à l’œuvre et qui induit alors des faux pas préjudiciables à l’organisation. Face à une crise, il y a notamment la sidération qui inhibe les décideurs. Surtout s’ils ne se sont jamais préparés et entrainés via des exercices de simulation qui sont pourtant d’excellents outils pour s’améliorer et gagner en résilience et en bons réflexes. La tentation alors est d’esquiver, voire d’élucubrer pour tenter d’éteindre l’incendie ou pire, mentir, ne rien dire ou trouver un bouc émissaire. Actuellement, Nestlé est étonnamment dans cette posture avec les affaires Buitoni et celles des eaux minérales filtrées illégalement. Résultat : la pression médiatique est intense et le cours de Bourse a même significativement reculé alors que le géant suisse est d’ordinaire une valeur sûre.

On retrouve pareille attitude lorsque des signaux faibles apparaissent et laissent supposer qu’une crise pourrait survenir. La propension à mettre sous le tapis plutôt que régler le dysfonctionnement, reste une attitude courante. Peut-être que certains misent cyniquement sur le « pas vu, pas pris » ? C’est excessivement dangereux (et irresponsable). Tout finit par se savoir de nos jours. Il suffit d’une fuite informationnelle, un ancien salarié mécontent, un lanceur d’alerte ou autre et la crise éclate.

Une autre faille qui peut expliquer ce que vous décrivez, est enfin l’empressement à revenir à une situation normale et à vite oublier. Or, lorsqu’une crise est enfin retombée, les organisations ne font pas toutes des « retex » (retour d’expérience) où l’on passe au crible l’intégralité des faits survenus durant la crise pour définir des pistes de progrès. C’est dommage. Ce genre d’exercice permet d’optimiser et de ne pas reproduire des erreurs. Mais là encore, on rencontre parfois une omerta interne qui a juste envie de passer à autre chose sans en tirer les conséquences.

André de Marco à propos des mutations dans le domaine de la communication organisationnelle

André de Marco est l’un des pionniers de la communication d’entreprise en France. Après une maîtrise en communication à la Sorbonne au début des années 70, il s’engage dans la pratique et devient en 1983 directeur de la communication du groupe Bull puis 3 ans après de Rhône-Poulenc où il dirigea la communication durant 12 années.

A l’heure où la communication organisationnelle semble en révolution constante, il a bien voulu répondre à nos questions sur les mutations du domaine.


Vous avez été l’un des premiers professionnels de la communication. Vous avez été dircom de plusieurs grandes organisations (Rhône Poulenc, Bull, Rank Xerox, Hill & Knowlton, Institut Pasteur). Diriez-vous que les fondamentaux de la communication sont toujours les mêmes et qu’est-ce qui a le plus changé dans la communication des entreprises ?

Dans les années 80, les professionnels de ce qui s’appelait encore « Relations publiques », ont donné une nouvelle impulsion à leur métier, jusqu’à en modifier les contenus et l’identité pour le nommer « communication ». Elle marquait le passage des outils d’information à sens unique vers une meilleure prise en compte des attentes des différentes parties prenantes. L’entrée des directeurs de la communication dans les équipes de direction des entreprises et des institutions a modifié le positionnement et le rôle de la communication.

L’importance des enjeux de l’image et de la réputation, y compris pour les relations avec les autorités, avec les investisseurs, avec les jeunes diplômés, a commencé à faire évoluer les pratiques et les moyens. Passage de la connaissance des produits ou des services, à la recherche de relations plus confiantes avec les différents partenaires internes et externes. Souci de la réputation, de l’acceptabilité, de la confiance, pour l’ensemble de l’institution et pour ses dirigeants.

L’impact des différentes crises et l’arrivée du numérique ont marqué la communication du début des années 2000. Aujourd’hui, le digital et les réseaux « dits sociaux » apportent de nouvelles techniques, l’immédiateté de l’information, la prolifération des expressions personnelles et anonymes, qui rendent la communication moins humaine, ou moins chaleureuse.

Vous avez été à l’origine de la première campagne de communication corporate sur l’environnement lorsque vous avez été dircom de Rhône Poulenc. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la communication environnementale et l’émergence de la communication responsable ?

La communication environnementale a trois facettes – l’information et le dialogue sur les préoccupations environnementales, – la promotion de produits ou de services par leurs vertus prétendues environnementales – la responsabilité environnementale de l’entreprise.

Dans le cas de Rhône-Poulenc, qui avait quatre métiers : la chimie, la santé, le textile, la protection des plantes, nous avions fait le choix de bâtir une identité commune sur la responsabilité sociétale.  Faire comprendre et accepter l’engagement de responsabilité environnementale d’une entreprise dont les activités reposaient toutes sur la chimie était paradoxal et un pari dangereux. Il a heureusement réussi parce qu’il a été rendu possible par une réelle volonté stratégique au plus haut niveau de l’entreprise.

Aujourd’hui, alors que tout ce qui a trait à l’environnement est omniprésent dans les médias, dans les consciences, dans les lois, et progresse enfin dans les pratiques, il devient plus difficile d’être véritablement crédible en communication environnementale.  Les bonnes intentions et les progrès même incontestables, risquent des effets boomerang destructeurs. 

Malgré le travail mené ces dernières années, la communication responsable a encore beaucoup de mal à s’affirmer et à convaincre.  La persistance et surtout la remontée des climato sceptiques est un échec cuisant qui doit tous nous faire réfléchir.

La communication de crise apparaît omniprésente dans la communication des organisations. Avec la place prise par les réseaux sociaux, pensez-vous qu’on gère une crise de la même manière maintenant qu’il y a 30 ans ?

Indépendamment de l’évidence du rôle pris par les réseaux sociaux dans la communication de crise il ne me semble plus possible de gérer les crises comme il y a trente ans. Les crises sont de plus en plus fréquentes, permanentes disent certains professionnels. Elles sont de plus en plus complexes par leur nature et leurs extensions. La parabole du battement d’aile du papillon déclenchant une catastrophe à l’autre bout du monde, se constate tous les jours. La rapidité de réaction est indispensable, ne serait-ce que pour limiter la multiplication des déclarations de tous ceux qui « parlent avant de savoir et surtout sans savoir ». En préventif, il faut renforcer chaque jour le capital de réputation et de confiance de l’institution et de ses dirigeants. Plus que jamais, veiller à dire la vérité dès les premières minutes et veiller à la transparence. Cultiver l’humilité pouvant aller jusqu’aux excuses, au renoncement à des produits ou services, à des pratiques et des comportements.

En parallèle avec vos responsabilités de directeur de la communication, vous avez toujours enseigné votre savoir aux étudiants. Quel regard portez-vous sur l’enseignement de la communication d’entreprise dans les universités ?

Je suis trop éloigné des pratiques actuelles pour pouvoir apporter un avis pertinent sur ces enseignements en mouvement permanent.  J’ai arrêté d’enseigner quand je me suis rendu compte, n’étant plus à 100% en activité de communication, que je n’étais plus en mesure d’apporter le meilleur d’aujourd’hui aux étudiants. J’ai toujours été surpris des appels que je recevais de personnes qui se voyaient chargées d’enseigner la communication dans une école ou une université et me demandaient, « mes slides » comme on le disait à l’époque. Je crois que l’enseignement de la communication n’est pas uniquement une transmission de savoirs. Je pense que c’est avant tout la transmission de convictions, d’attitudes et de comportements. Apprendre à bien faire, plutôt que le savoir. J’ai toujours apprécié les bénéfices croisés de mes activités professionnelles au service de l’enseignement et de l’enseignement dans l’exercice de mon métier.

L’usage généralisé des récits vers une société écologique et solidaire.

Lors des journées de la pensée écologique qui se sont déroulées du 21 au 24 mars à l’abbaye de Cluny, Lucile Schmid a introduit et animé la table ronde introductive. Celle-ci portait sur le thème des récits de l’écologie et réunissait Corinne Morel-Darleux, essayiste, Alice Canabate, sociologue et Thierry Libaert, Président de notre Académie.

Lucile Schmid, Vice-Présidente du Think Tank La Fabrique écologique et membre du Comité de rédaction de la revue Esprit et de notre comité d’orientation, a cherché à questionner cette expression désormais incontournable de « Nouveaux récits ». Elle a bien voulu nous transmettre son propos introductif.

D’emblée la formulation du sujet de cette table-ronde d’introduction à la deuxième édition des rencontres des pensées de l’écologie à Cluny invite à laisser de côté des réflexions qui seraient réductrices.

Il est d’abord question de récits au pluriel, et non d’un grand récit comme on l’entend souvent évoquer. Or il n’existe pas de grand récit de l’écologie comme on parlerait d’un grand soir. Ce sont bien mille et une histoires qui s’inventent, se tissent autour de la transformation des sociétés, de la relation à la nature, d’une nouvelle articulation entre les individus et le collectif, de la prise en compte des destins à l’échelle planétaire.

L’usage sans frein du terme de « récits » auquel on assiste aujourd’hui, me semble également un point sur lequel cette table-ronde doit s’interroger. Il est actuellement pêle-mêle question de récits écologiques dans les entreprises, au sein des acteurs publics où se multiplient des exercices de prospective sur la base de scénarios – sont-ce des récits ? – , dans les discours politiques, dans les mondes de la communication, les scénarios des séries télévisées. Ce foisonnement de récits serait censé jouer un rôle positif pour faire changer les comportements au sein de la société. Mais à côté de cette incantation à créer des récits écologiques, ce qui frappe c’est la force et même la violence de certaines positions anti-écologiques qui reposent elles sur des récits à dormir debout – les pesticides ne sont pas dangereux, la technologie nous sauvera, dormez tranquille les politiques s’occupent de tout, l’écologie est punitive, les classes populaires ne sont pas concernées, elles souffrent des injonctions écologiques, elles veulent d’abord un porte-monnaie bien garni. Cette résurgence des récits anti écologiques dans la période que nous vivons n’est pas un hasard. Elle traduit la lutte à l’oeuvre entre des intérêts économiques puissants, soutenus par certains partis politiques au premier rang desquels l’extrême droite, et des acteurs qui souhaitent changer les choses. Elle traduit aussi les difficultés à trouver un langage commun et des espaces de discussions communs.

C’est là qu’il faut insister sur une évidence : des récits écologiques portés sans actions fortes en faveur de l’écologie, dans les politiques publiques, dans les entreprises, chez ceux qui ont du pouvoir plus globalement, ne permettront pas de changer les sociétés à la mesure de défis dont l’ampleur est connue et documentée. Sans actions résolues, sans élévation du niveau d’ambition des politiques publiques, sans exemplarité, sans respect des objectifs et sans contraintes collectives assumées et sanctionnées si elles ne sont pas respectées, les mille et une histoires de l’écologie resteront de beaux récits de résistance parfois, des contes merveilleux souvent, ou dans certains cas de pieux mensonges lorsque le greenwashing s’y immiscera. A quels récits déjà installés convient-il de répondre, quels sont les principaux points de débat, de conflits entre récits, récits de la société de consommation versus récits de société écologique ? Les rapports du GIEC sont-ils devenus des récits de l’époque ? Et que dire de la multiplication des scénarios de prospective ? Où placer les récits du pire et les récits du mieux ?

Notre sujet fait enfin le lien entre l’écologique et le solidaire. Nous sommes en quête d’une société écologique et solidaire. Bien sûr nous l’avons compris, l’un des grands enjeux de cette quête autour des récits écologiques est d’arriver à un projet de société commun où la relation aux enjeux planétaires ait pris une place centrale sans renoncer aux mécanismes de solidarité et de démocratie qui sont les nôtres. Je dirai même que l’enjeu est que l’écologie restitue à la solidarité et à la démocratie une force et une légitimité qu’elles semblent parfois avoir perdu. Comment construire les récits d’institutions écologiques ? Les procès climatiques sont-ils une forme de récit des combats d’une partie de la société contre les dirigeants politiques pour élever le niveau d’ambition ? La vie dans les ZAD est-ce un récit écologique ? 

Alors oui cette table ronde devrait être l’occasion de passer d’une rive à l’autre du fleuve, d’associer les imaginaires et les récits de l’action, de ne pas oublier l’histoire qui permet de nourrir la vision des futurs.

2ème Édition du Congrès International des Sciences de la Communication

Le Congrès International des Sciences de la Communication (CISC) est un événement de premier plan dans le domaine de la communication, rassemblant des chercheurs, des professionnels et des étudiants du monde entier. Organisée par l’École Normale Supérieure de Tétouan et le Laboratoire de Recherche en Sciences de la Communication, l’édition 2024 se déroulera à Martil du 28 au 30 novembre 2024, sous le thème stimulant :

« Pour des communications mobilisantes (enfin) pour la planète ».

Le choix de ce thème crucial découle de l’œuvre inspirante du conférencier principal du CISC’24, le professeur Thierry Libaert, auteur du livre

 « Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète. »

Le but est de mettre en lumière le rôle essentiel des communications dans la mobilisation en faveur de la protection de notre planète et de ses ressources.

Axes thématiques :

  • Communications sensibles, Médias et presse ;
  • Communication des institutions et des organisations ;
  • Communication socio-pédagogique et TICE ;
  • Communication digitale et processus de digitalisation.

Le Congrès International des Sciences de la Communication (CISC) à Martil en 2024 promet d’être une plateforme dynamique pour explorer les défis et les opportunités des communications en faveur de la planète. Nous sommes impatients d’accueillir des contributions de chercheurs du monde entier et de stimuler des discussions enrichissantes pour favoriser un changement positif vers un avenir durable.

Le Congrès International des Sciences de la Communication (CISC) est honoré et enchanté d’accueillir le professeur Thierry Libaert en tant que conférencier principal pour l’édition 2024 à Martil. Référence absolue communication, auteur renommé et expert reconnu dans son domaine, le professeur Libaert apporte une perspective unique et inestimable sur les défis et les opportunités des communications pour la mobilisation en faveur de la planète.

Sa contribution, inspirée par son ouvrage « Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète », promet d’enrichir les discussions et d’éclairer les participants sur les stratégies de communication efficaces pour sensibiliser et mobiliser l’action en faveur de l’environnement. Son expertise et son engagement envers la cause environnementale sont une source d’inspiration pour tous ceux qui aspirent à un changement positif et durable.

Le CISC exprime sa gratitude envers le professeur Thierry Libaert pour sa participation et se réjouit de l’opportunité de partager ses idées novatrices avec la communauté internationale des chercheurs, des professionnels et des étudiants en sciences de la communication. Sa présence illustre l’importance et la pertinence de notre engagement commun envers la promotion de communications mobilisantes pour la planète.

Nous avons le plaisir de vous inviter à soumettre vos propositions de communication pour la 2ème Édition du Congrès International des Sciences de la Communication (CISC24), organisée par l’École Normale Supérieure de Tétouan et le Laboratoire de Recherche en Sciences de l’Information, de la Communication et du Discours. L’événement se déroulera du 28 au 30 novembre 2024 à Martil, au Maroc.

Instructions pour la soumission :

Les auteurs intéressés sont invités à soumettre un résumé de leur communication (300 mots minimum ; 500 mots maximum), à soumettre avant la date limite de soumission.

Les résumés doivent être envoyés par voie électronique sur la plateforme dédiée.

Calendrier :

A consulter sur le site du CISC24

Nous accueillons les contributions de chercheurs, d’enseignants, de professionnels et d’étudiants intéressés par les sciences de la communication. Les communications sélectionnées seront présentées lors des sessions parallèles lors du congrès.

Pour de plus amples informations sur les modalités de soumission, veuillez consulter le site web du congrès :

www.cisc24.lacommunication.ma

Nous attendons avec impatience de recevoir vos propositions et de vous accueillir à Martil pour ce moment d’échange et de partage scientifique.

Appel à contributions. La désinformation : nouvelles formes, nouveaux défis

Séminaire annuel de
l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible

Mardi 26 novembre, Paris
Site de la conférence : https://accs2024.sciencesconf.org/

Les travaux sur les fausses informations et autres désordres informationnels ont amené les chercheurs à distinguer ce qui relève de la mésinformation « partage malencontreux d’informations incorrectes » et de la désinformation « création et partage délibérés d’informations fausses » (Wardle, 2018). La désinformation, sous ses diverses formes telles que les fake news, la réinformation ou la post-vérité, a évolué en une multitude de concepts et de pratiques, à l’instar des crises auxquelles elle est souvent associée (Alloing & Vanderbiest, 2018; Huyghe, 2016; Knauf et al., 2021). Des récits trompeurs circulant sur les réseaux sociaux aux manipulations d’informations stratégiques, cette complexité croissante impacte profondément tous les secteurs d’activité, qu’ils soient publics ou privés, de la finance à la santé, en passant par l’environnement et la politique (Allard-Huver, 2020; Badouard, 2017; Harsin, 2024; Stephan, 2020; Yates, 2018). Ces formes complexes et changeantes influencent chaque strate de la société, obligeant les différents protagonistes et en particulier les journalistes à une vigilance constante et à une adaptation rapide face à ces défis (Doutreix, 2021; Mercier, 2018).

L’Académie des Controverses et de la Communication Sensible invite les chercheurs et les professionnels à participer à son séminaire annuel sur la désinformation avec pour enjeux d’y interroger les nouvelles formes et les nouveaux défis que soulève cette dernière, tout comme les effets qu’elle a sur nos sociétés et nos pratiques de communication.

Format attendu des propositions de communication :

Les propositions de communication devront être déposées sur la plateforme https://accs2024.sciencesconf.org/ et comporteront les éléments suivants :

  • Titre de la proposition ;
  • Proposition incluant le thème, la méthodologie, des résultat préliminaires, 500 mots maximum, hors bibliographie ;
  • Une bibliographie (5 à 10 références).

Dates importantes

  • Date limite pour l’envoi de propositions : 15 mai 2024 *** REPOUSSÉE AU 7 JUIN
  • Retour vers les auteurs : Juillet 2024
  • Programmation finale : Septembre 2024
  • Séminaire annuel : 26 novembre 2024, Paris
  • Les interventions d’une durée de 20 minutes, se feront en présentiel à Paris.

Le comité d’organisation

Comité Scientifique du séminaire :

  • Camille Alloing. Université du Quebec à Montréal.
  • Romain Badouard. Université Panthéon-Assas.
  • Nataly Botero. Université Panthéon-Assas.
  • Andrea Catellani. Université Catholique de Louvain.
  • Marie-Noëlle Doutreix. Université Lyon 2.
  • Finn Frandsen. Université d’Aarhus.
  • Jayson Harsin. American University of Paris.
  • Béatrice Jalenques-Vigouroux. INSA Toulouse.
  • Winni Johansen. Université d’Aarhus.
  • Audrey Knauf. Université de Lorraine.
  • Isabelle Le Breton-Falezan. Sorbonne Université
  • Erwan Lecoeur. Université Grenoble Alpes.
  • Arnaud Mercier. Université Panthéon-Assas.
  • Gaël Stephan. Université de Lorraine.
  • Stéphanie Yates. Université du Quebec à Montréal.

L’acceptabilité sociale de la transition écologique par Stéphanie Yates, PhD

Stéphanie Yates est professeure au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre du Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval. Politologue de formation (Ph.D Université Laval 2010), elle étudie le rôle des citoyens et des groupes d’intérêt dans la gouverne des États et des entreprises. Dans cette perspective, elle se penche sur les stratégies de médiatisation des acteurs publics et privés en lien avec le lobbyisme, la participation publique, l’acceptabilité sociale et la responsabilité sociale des organisations. Elle s’intéresse également à la communication environnementale. Partant d’une approche interdisciplinaire, elle a publié de nombreux articles et chapitres dans des publications en communication, en science politique et en administration publique. Elle est également la directrice de l’ouvrage Introduction aux relations publiques. Fondements, enjeux et pratiques, publié aux Presses de l’Université du Québec en 2018.

Vous travaillez depuis quelques années sur l’acceptabilité sociale de la transition écologique. Pourquoi s’y intéresser ?

Face à la crise climatique, des choix sociétaux difficiles devront être faits, à la fois pour tenter de freiner le réchauffement de la planète et pour s’adapter aux changements climatiques. La transition des énergies fossiles vers des énergies renouvelables ou moins polluantes suscite déjà de vives tensions sociales, que l’on pense aux mobilisations citoyennes liées à l’exploitation des minéraux critiques et stratégiques (graphite, lithium) ou à l’éventuelle construction de nouveaux barrages hydro-électriques au Québec, ou encore aux taxes sur le carburant ou au retour du nucléaire en France.

Les vives controverses liées à ces projets de transition énergétique laissent présager l’intensité des débats qui nous attendent. Car la transition ne pourra qu’être énergétique : elle devra aussi être écologique. C’est en effet une véritable remise en question de nos modes de vie qui nous attend, et en son cœur, un nouveau regard sur la notion de croissance sous-jacente à nos économies occidentales, qu’on devra inévitablement remettre en question. En somme, les conflits à venir posent avec encore plus d’acuité la notion d’acceptabilité sociale.

Le terme d’acceptabilité sociale est apparu dans l’espace public il y a déjà plusieurs années, mais on a l’impression qu’il demeure flou et difficilement mesurable. Comment déterminer si un projet est socialement acceptable ?

L’acceptabilité sociale correspond à un jugement collectif à l’endroit d’un projet ou d’une politique, appelé à évoluer dans le temps. On sait aujourd’hui que plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’acceptabilité d’un projet : au-delà de ses attributs techniques et financiers, sa raison d’être d’abord, son adéquation avec la vision et les valeurs d’une collectivité donnée, mais aussi la confiance qu’on accorde à son promoteur. Or, chaque cas est unique et tributaire des dynamiques sociopolitiques en présence. Il n’y a pas de recette qui fonctionnerait à tout coup ! Ultimement, en phase avec notre système de démocratie représentative, c’est aux autorités politiques à jouer le rôle d’arbitre en déterminant si un projet est socialement acceptable, mais cette évaluation reste fondée sur une analyse relativement subjective de la situation.

Que peuvent faire les autorités politiques pour être mieux outillées en la matière ?

Les autorités locales sont souvent les premières interpellées par les débats autour de projets qui soulèvent des enjeux d’acceptabilité. Les communautés riveraines, appelées à subir les externalités négatives de ces projets, sont en effet souvent celles qui se braquent en premier. Si, dans un premier temps, leurs réactions sont typiquement qualifiées de l’incarnation du proverbial syndrome du « pas dans ma cours », on se rend compte, en écoutant leurs arguments, que leur opposition est beaucoup plus profonde et questionne la légitimité même des projets débattus, leur nécessité et donc leur raison d’être. Ces communautés locales jouent ainsi un rôle de lanceur d’alerte, en quelque sorte. Les autorités locales, quant à elles, sont souvent bien mal outillées pour faire face à ce type d’opposition. Elles ont aussi parfois les mains liées, notamment en raison des redevances qu’elles attendent de ces projets, qui ont souvent été discutées avec les promoteurs bien en amont, et en toute confidentialité. C’est un cocktail parfait pour une situation explosive… qui se termine souvent, on l’a vu au fil de plusieurs cas, par le rejet de projets dans lesquels temps, énergie et argent ont déjà été investis.  

Comment alors éviter de telles situations ?

Les projets les mieux réussis sont ceux qui s’ancrent dans une vision partagée du développement d’un territoire donné. Cela implique d’instaurer un dialogue avec les populations locales bien en amont d’un projet donné, afin de coconstruire cette vision et de réfléchir à la vocation qu’on veut donner aux différents espaces d’un territoire. C’est à travers ce type d’exercice, qui se doit d’être le plus inclusif possible, qu’on pourra aussi s’entendre sur les compromis qui seront nécessaires pour réaliser la transition écologique qui nous attend.

Et enfin, quel est le rôle de la communication dans ces processus?

La communication est constitutive de l’acceptabilité sociale, elle est en son cœur. C’est en effet à travers la communication que les différents discours sont portés dans l’espace public sous le prisme de différentes stratégies d’argumentation. C’est aussi à travers la communication que se construisent les différentes formes de légitimité autour du projet. La légitimité du projet en lui-même – sa raison d’être – et celle de son promoteur en tant que porteur de divers engagements ; celle des autorités publiques en tant que fiduciaire de l’intérêt public, et enfin celle des acteurs sociaux en tant qu’intervenants qui ont leur mot à dire dans les débats. C’est aussi à travers la communication que pourront s’instaurer les dialogues nécessaires à la construction d’une vision partagée de ce que pourra être cette transition écologique qui nous attend.

Nouvelle parution : Transitions en tension. Controverses et tensions autour des transitions écologiques

Le troisième volume de la série éditoriale « Communication, environnement, science et société » est publié, sous la direction d’Andrea Catellani (Université catholique de Louvain), membre de notre conseil scientifique et de Grégoire Lits (Université catholique de Louvain).

Le volume, qui présente une partie sélectionnée des interventions présentées au colloque du GER COMENSS en 2021 à Louvain-la-Neuve, examine les tensions et controverses qui entourent les transitions énergétiques, écologiques et sociales en utilisant des outils issus des sciences humaines et sociales, en particulier des sciences de l’information et de la communication. Les différentes études rassemblées ici, rédigées par des experts universitaires en communication environnementale, analysent de nombreux cas d’études et permettent d’explorer les transitions dans plusieurs domaines allant de l’agriculture aux politiques territoriales et de la communication en ligne et médiatique aux dispositifs de participation citoyenne.

Conférence – Communication européenne, comment se faire entendre ?

L’Académie des controverses et de la Communication Sensible est ravie de vous inviter à un événement en ligne qui explorera les facettes complexes de la communication européenne.

Rejoignez-nous le mardi 26 mars de 18h00 à 19h30 (heure de Paris) et de 13h00 à 14h30 (heure du Québec) sur la plateforme Zoom pour une série de discussions stimulantes animées par des experts éminents.

Déroulement de l’événement :

Introduction par Thierry Libaert, président de l’ACCS

  • « L’Europe, une bonne marque?  » par Georges Lewi, spécialiste des marques
  • « La communication européenne en dehors de l’Union Européenne » par Karine Johannes, professeure à l’Université internationale de Rabat
  • « Le leadership européen et son Influence sur la « marque UE » par Nicolas Baygert, enseignant, Sciences Po Paris
  • Période d’échange et de questions

Conclusion par Bernard Motulsky, vice-président de l’ACCS

Nous avons hâte de vous retrouver en ligne le 26 mars !

Bonne année 2024

Chers amis de l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible,

Nous tenons d’abord à vous présenter nos meilleurs vœux pour cette année 2024, et de bonnes controverses en préparation.

Pour cette nouvelle année, nous avons d’ores et déjà programmé deux événements :

  • Une conférence en ligne que nous organisons mardi 26 mars de 18 h 00 à 19 h 30 (heure de Paris). Le thème choisi porte sur la communication de l’Union Européenne, ce sujet ayant notamment été sélectionné en prévision des élections européennes de juin prochain.
  • Notre colloque annuel se déroulera le 26 novembre à Paris et sera consacré au sujet de la désinformation. Nous sommes en train de préparer l’appel à contribution. Restez à l’affût.

Nous sommes toujours à l’écoute de vos suggestions tant pour les événements que nous pourrions organiser, les activités que nous pourrions développer ou pour d’éventuels articles ou interviews que nous pourrions publier sur notre site.

N’hésitez pas à communiquer avec nous !


Changement de pratiques et de logique des professionnel.le.s vers la neutralité carbone

Le 15 novembre 2023 à l’Université Bordeaux Montaigne, la thèse intitulée « Les enjeux communicationnels pour l’instauration d’une démarche de neutralité carbone. Le cas du Département de la Gironde » a été soutenue par Eloïse Vanderlinden.

Cette thèse en Sciences de l’Information et de la Communication a été co-dirigée par Mme Elizabeth Gardère et Mme Valérie Carayol. Le jury de soutenance était composé de M. Thierry Libaert (Université Catholique de Louvain), M. Vincent Liquète (Université Bordeaux Montaigne), Mme Sylvie Parrini-Alemanno (Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris), Céline Pascual Espuny (Université Aix Marseille) et Bertrand Véron (Conseil Départemental de la Gironde).

La thèse part du constat qu’en matière de transition écologique, si les particuliers sont encouragés à réaliser des éco-gestes (réduire ses déchets, favoriser les déplacements doux…), les infrastructures sur lesquelles reposent nos modes de vie sont, elles, toutes issues d’activités professionnelles. Il est alors possible de considérer que les pratiques professionnelles sont structurantes. Or, pour ces dernières, un autre constat s’imposait : celui de l’injonction à l’innovation technologique, présentée comme la réponse aux enjeux écologiques. Les sciences humaines et sociales ont pourtant un rôle important à jouer autour des questions de transition écologique, en s’intéressant notamment aux sens donnés aux nouvelles pratiques. Ici, la réflexion se concentre sur la communication qui permettrait de remettre l’être humain et ses pratiques au coeur des réflexions sur la transition écologique et de contribuer à l’émergence de nouveaux modes de vie.

Cadre théorique et problématique

L’originalité de la thèse est de mobiliser l’approche de la communication organisationnelle en se détachant de la sensibilisation. Partant d’un milieu professionnel grâce à une CIFRE au Département de la Gironde, elle développe l’idée que les changements de pratiques et de logiques pour l’intégration des principes de réduction des émissions demandent de nombreux ajustements pouvant être portés par une communication organisant l’action. La revue de littérature met en avant la pertinence des concepts du changement émergent, de la participation et de l’idée que ce sont les actions qui guident les logiques. La problématique se formule ainsi : quelles seraient les caractéristiques d’une communication visant le changement d’attitudes et de logiques des professionnels, qui soit à la fois éthique et engageante, créative et organisante, tout en étant adaptée au type de changement que représente la neutralité carbone ?

Hypothèses et méthodologie

Afin de dépasser une approche individuelle et de prendre en compte le contexte organisationnel, la première hypothèse suggère que les enjeux communicationnels d’une démarche de neutralité carbone se situent aux niveaux des interdépendances entre volontés personnelles et moyens organisationnels. La deuxième hypothèse se penche sur la communication en elle-même et avance que la méthode du design thinking permet un engagement en actes et une opérationnalisation des objectifs de neutralité carbone grâce à la création d’un contexte d’action commun et transversal. Enfin, la dernière hypothèse évalue si ces choix méthodologiques participent au lancement d’une dynamique organisationnelle et si la communication créative permet de structurer de nouvelles relations au travail.

Cette méthodologie correspond à une recherche-intervention en 3 temps. D’abord une phase d’exploration avec la réalisation de 31 entretiens exploratoires et l’observation participante de l’actualisation du Bilan des Emissions de Gaz à Effet de Serre de l’organisme d’accueil (BEGES). Puis une phase d’expérimentation avec l’animation d’une série de 6 focus groups autour de la commande publique responsable, en utilisant le design thinking. Enfin, une phase d’évaluation, composée d’entretiens semi-directifs, pour avoir les retours des participant.e.s sur les focus groups.

Résultats

Les résultats mettent en avant qu’une bonne sensibilisation aux questions environnementales n’est pas suffisante pour passer le cap de l’application aux pratiques professionnelles. Dans ce cadre, le raisonnement logique proposé par l’approche des émissions de gaz à effet de serre est pertinent pour relier les pratiques métiers aux questions écologiques. Il permet un double mouvement de pensée allant du détail de l’action, souvent complexe, aux grand enjeux environnementaux. Dès lors, il est à la fois possible d’identifier des objectifs ambitieux auxquels doivent contribuer les nouvelles pratiques, tout en prenant en compte les conditions de travail réelles. Cette approche permet de dépasser une logique reposant sur  des « actions » de réduction, parfois isolées, pour initier des dynamiques relevant d’orientations plus globales. De même, il s’agit de dépasser les négociations sur des objectifs sous forme de pourcentages, restant relativement abstraits, pour être plus à l’écoute et s’assurer de commencer par ce qui compte pour ceux qui agissent. L’évaluation se fait alors en fonction des projets lancés et non pas des baisses d’émissions effectives qui peuvent demander du temps avant d’être significatives.

Ensuite, les résultats montrent que ces réflexions peuvent être renforcée par des pratiques de communication orientée vers la participation et la transversalité en interne. Tout d’abord, les animations issues de la méthode du design thinking sont engageantes : elles permettent à chaque participant.e d’exposer au groupe son positionnement et les synthèses des échanges à l’oral viennent également asseoir les propos tenus. Cette participation permet de se sentir déjà acteur ou actrice et facilite la remise en question des pratiques et des logiques de travail.

L’évaluation des focus groups autour de la commande publique montre aussi l’importance de la construction d’un socle commun à l’action, au-delà des différents corps de métiers et des niveaux hiérarchiques. Une fois cette base assurée, les professionnel.le.s ont besoin de « repères métiers » spécifiques pour arriver à un niveau d’action reconnu et, de là, se lancer dans des terrains de réflexions plus ou moins connus. Par exemple, il peut s’agir de la loi pour les rédacteurs et rédactrices de marchés. Ces éléments sont parfois directement applicables, et fonctionnent alors comme des sortes d’« éco-gestes professionnels ». La communication créative permet aussi d’explorer les grands enjeux auxquels participer (par exemple une commande publique responsable) en se permettant de se projeter vers un avenir désirable. Il s’agit ici de ne pas se limiter aux obstacles du quotidien pour explorer de nouvelles finalités et donner un nouveau sens au travail. Enfin, les échanges entre collègues permettent de définir de grands principes d’actions venant guider les choix et cohérents avec les nouveaux modes de vie émergeants (toujours pour la commande publique, prendre en compte le cycle de vie d’un produit dans un marché constitue un principe d’action).

Cette démarche de recherche a eu de véritables impacts sur les participant.e.s qui ont, pour certain.e.s, intégré de nouvelles réflexions dans leurs manières de travailler. Les échanges ont permis d’opérationnaliser le concept de neutralité carbone et de créer un réseau informel de collègues engagés autour de la commande publique responsable. En parallèle, une formation transversale a été créée, ouverte à la fois aux rédacteurs et rédactrices de marchés et aux opérationnel.le.s. Cette démarche transversale, une première pour l’organisme d’accueil, est un bon exemple d’espace formel où construire ensemble une même base d’action.  

Ces résultats contribuent ainsi à la littérature sur l’accompagnement au changement des pratiques professionnelles pour contribuer à la neutralité carbone, dans une approche basée sur l’action, la participation et le libre arbitre des personnes investies.