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Bonne année 2024

Chers amis de l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible,

Nous tenons d’abord à vous présenter nos meilleurs vœux pour cette année 2024, et de bonnes controverses en préparation.

Pour cette nouvelle année, nous avons d’ores et déjà programmé deux événements :

  • Une conférence en ligne que nous organisons mardi 26 mars de 18 h 00 à 19 h 30 (heure de Paris). Le thème choisi porte sur la communication de l’Union Européenne, ce sujet ayant notamment été sélectionné en prévision des élections européennes de juin prochain.
  • Notre colloque annuel se déroulera le 26 novembre à Paris et sera consacré au sujet de la désinformation. Nous sommes en train de préparer l’appel à contribution. Restez à l’affût.

Nous sommes toujours à l’écoute de vos suggestions tant pour les événements que nous pourrions organiser, les activités que nous pourrions développer ou pour d’éventuels articles ou interviews que nous pourrions publier sur notre site.

N’hésitez pas à communiquer avec nous !


Changement de pratiques et de logique des professionnel.le.s vers la neutralité carbone

Le 15 novembre 2023 à l’Université Bordeaux Montaigne, la thèse intitulée « Les enjeux communicationnels pour l’instauration d’une démarche de neutralité carbone. Le cas du Département de la Gironde » a été soutenue par Eloïse Vanderlinden.

Cette thèse en Sciences de l’Information et de la Communication a été co-dirigée par Mme Elizabeth Gardère et Mme Valérie Carayol. Le jury de soutenance était composé de M. Thierry Libaert (Université Catholique de Louvain), M. Vincent Liquète (Université Bordeaux Montaigne), Mme Sylvie Parrini-Alemanno (Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris), Céline Pascual Espuny (Université Aix Marseille) et Bertrand Véron (Conseil Départemental de la Gironde).

La thèse part du constat qu’en matière de transition écologique, si les particuliers sont encouragés à réaliser des éco-gestes (réduire ses déchets, favoriser les déplacements doux…), les infrastructures sur lesquelles reposent nos modes de vie sont, elles, toutes issues d’activités professionnelles. Il est alors possible de considérer que les pratiques professionnelles sont structurantes. Or, pour ces dernières, un autre constat s’imposait : celui de l’injonction à l’innovation technologique, présentée comme la réponse aux enjeux écologiques. Les sciences humaines et sociales ont pourtant un rôle important à jouer autour des questions de transition écologique, en s’intéressant notamment aux sens donnés aux nouvelles pratiques. Ici, la réflexion se concentre sur la communication qui permettrait de remettre l’être humain et ses pratiques au coeur des réflexions sur la transition écologique et de contribuer à l’émergence de nouveaux modes de vie.

Cadre théorique et problématique

L’originalité de la thèse est de mobiliser l’approche de la communication organisationnelle en se détachant de la sensibilisation. Partant d’un milieu professionnel grâce à une CIFRE au Département de la Gironde, elle développe l’idée que les changements de pratiques et de logiques pour l’intégration des principes de réduction des émissions demandent de nombreux ajustements pouvant être portés par une communication organisant l’action. La revue de littérature met en avant la pertinence des concepts du changement émergent, de la participation et de l’idée que ce sont les actions qui guident les logiques. La problématique se formule ainsi : quelles seraient les caractéristiques d’une communication visant le changement d’attitudes et de logiques des professionnels, qui soit à la fois éthique et engageante, créative et organisante, tout en étant adaptée au type de changement que représente la neutralité carbone ?

Hypothèses et méthodologie

Afin de dépasser une approche individuelle et de prendre en compte le contexte organisationnel, la première hypothèse suggère que les enjeux communicationnels d’une démarche de neutralité carbone se situent aux niveaux des interdépendances entre volontés personnelles et moyens organisationnels. La deuxième hypothèse se penche sur la communication en elle-même et avance que la méthode du design thinking permet un engagement en actes et une opérationnalisation des objectifs de neutralité carbone grâce à la création d’un contexte d’action commun et transversal. Enfin, la dernière hypothèse évalue si ces choix méthodologiques participent au lancement d’une dynamique organisationnelle et si la communication créative permet de structurer de nouvelles relations au travail.

Cette méthodologie correspond à une recherche-intervention en 3 temps. D’abord une phase d’exploration avec la réalisation de 31 entretiens exploratoires et l’observation participante de l’actualisation du Bilan des Emissions de Gaz à Effet de Serre de l’organisme d’accueil (BEGES). Puis une phase d’expérimentation avec l’animation d’une série de 6 focus groups autour de la commande publique responsable, en utilisant le design thinking. Enfin, une phase d’évaluation, composée d’entretiens semi-directifs, pour avoir les retours des participant.e.s sur les focus groups.

Résultats

Les résultats mettent en avant qu’une bonne sensibilisation aux questions environnementales n’est pas suffisante pour passer le cap de l’application aux pratiques professionnelles. Dans ce cadre, le raisonnement logique proposé par l’approche des émissions de gaz à effet de serre est pertinent pour relier les pratiques métiers aux questions écologiques. Il permet un double mouvement de pensée allant du détail de l’action, souvent complexe, aux grand enjeux environnementaux. Dès lors, il est à la fois possible d’identifier des objectifs ambitieux auxquels doivent contribuer les nouvelles pratiques, tout en prenant en compte les conditions de travail réelles. Cette approche permet de dépasser une logique reposant sur  des « actions » de réduction, parfois isolées, pour initier des dynamiques relevant d’orientations plus globales. De même, il s’agit de dépasser les négociations sur des objectifs sous forme de pourcentages, restant relativement abstraits, pour être plus à l’écoute et s’assurer de commencer par ce qui compte pour ceux qui agissent. L’évaluation se fait alors en fonction des projets lancés et non pas des baisses d’émissions effectives qui peuvent demander du temps avant d’être significatives.

Ensuite, les résultats montrent que ces réflexions peuvent être renforcée par des pratiques de communication orientée vers la participation et la transversalité en interne. Tout d’abord, les animations issues de la méthode du design thinking sont engageantes : elles permettent à chaque participant.e d’exposer au groupe son positionnement et les synthèses des échanges à l’oral viennent également asseoir les propos tenus. Cette participation permet de se sentir déjà acteur ou actrice et facilite la remise en question des pratiques et des logiques de travail.

L’évaluation des focus groups autour de la commande publique montre aussi l’importance de la construction d’un socle commun à l’action, au-delà des différents corps de métiers et des niveaux hiérarchiques. Une fois cette base assurée, les professionnel.le.s ont besoin de « repères métiers » spécifiques pour arriver à un niveau d’action reconnu et, de là, se lancer dans des terrains de réflexions plus ou moins connus. Par exemple, il peut s’agir de la loi pour les rédacteurs et rédactrices de marchés. Ces éléments sont parfois directement applicables, et fonctionnent alors comme des sortes d’« éco-gestes professionnels ». La communication créative permet aussi d’explorer les grands enjeux auxquels participer (par exemple une commande publique responsable) en se permettant de se projeter vers un avenir désirable. Il s’agit ici de ne pas se limiter aux obstacles du quotidien pour explorer de nouvelles finalités et donner un nouveau sens au travail. Enfin, les échanges entre collègues permettent de définir de grands principes d’actions venant guider les choix et cohérents avec les nouveaux modes de vie émergeants (toujours pour la commande publique, prendre en compte le cycle de vie d’un produit dans un marché constitue un principe d’action).

Cette démarche de recherche a eu de véritables impacts sur les participant.e.s qui ont, pour certain.e.s, intégré de nouvelles réflexions dans leurs manières de travailler. Les échanges ont permis d’opérationnaliser le concept de neutralité carbone et de créer un réseau informel de collègues engagés autour de la commande publique responsable. En parallèle, une formation transversale a été créée, ouverte à la fois aux rédacteurs et rédactrices de marchés et aux opérationnel.le.s. Cette démarche transversale, une première pour l’organisme d’accueil, est un bon exemple d’espace formel où construire ensemble une même base d’action.  

Ces résultats contribuent ainsi à la littérature sur l’accompagnement au changement des pratiques professionnelles pour contribuer à la neutralité carbone, dans une approche basée sur l’action, la participation et le libre arbitre des personnes investies.

Séminaire : Vent debout ! Dynamiques communicationnelles, mobilisations écologiques et participations citoyennes contemporaines

Le prochain colloque de l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible est organisé en partenariat avec GER Communication Environnement Sciences et Société. Ce colloque Vent Debout ! Dynamiques communicationnelles, mobilisations écologiques et participations citoyennes aura lieu à l’Université Paris-Panthéon-Assas les 23 et 24 novembre 2023.

Vous pouvez vous inscrire dès maintenant : https://vent-debout.sciencesconf.org/registration

La programmation est disponible ici : https://vent-debout.sciencesconf.org/program

Mises en scène de soi et écologie sur l’Instagram  francophone occidental. 

La thèse en Sciences du Langage d’Erica Lippert, intitulée « La mise en récit des ethos écologiques sur Instagram : une cartographie entre la France et le Québec », a été présentée le 29 août 2023 à l’Université Libre de Bruxelles. La linguiste et analyste du discours Laurence Rosier en a assuré la direction, le jury étant composé de Laura Calabrese et d’Emmanuelle Danblon pour les internes à l’Université, accompagnées d’Andrea Catellani (Université Catholique de Louvain), Thierry Libaert (Université Catholique de Louvain) et Albin Wagener (Université de Rennes II) pour le jury externe.  

Cette recherche s’inscrit dans l’Analyse du discours et vise l‘examen des discours environnementaux francophones sur le réseau social numérique Instagram, fréquenté par un public « jeune » (les 15-34 ans). La démarche adoptée contribue à analyser des publications écologiques de profils influents en France et au Québec, et ce, dans toute leur matérialité iconique et discursive. L’étude de l’ethos écologique sur Instagram, entendu comme mise en scène de soi idéologique via un discours numérique, appelle l’exploration d’autres modalités discursives, telles celles des imaginaires de la nature, des idéologies écologiques, celles des émotions ou encore celles des usages de formats (images, vidéos, photos, etc.) ou des dispositifs technologiques (émojis, mots-dièses, etc.) différents.  

Alors que le greenwashing, une notion née au sein des Sciences de l’information et de la communication et du marketing, pointe l’usage fallacieux d’arguments écologiques adossé à des pratiques qui ne le sont pas chez des entreprises, c’est l’étude de l’ethos écologique, plus en adéquation avec l’Analyse du discours, qui a été choisie dans ce travail. Cette notion permet d’observer l’emploi d’arguments écologiques en amenuisant la dimension intentionnelle du discours. À l’heure où la communication de politicien·nes, des journaux, des activistes ne peut plus se passer des réseaux sociaux numériques, et que la publicité se sert des influenceur·euses pour diversifier et humaniser ses stratégies d’authenticité, on se demande donc s’ils et elles intègrent l’écologie à leur communication, et de quelle manière.  

La problématique  

Depuis les années 1970, les alertes et les catastrophes écologiques ont été de plus en plus médiatisées (rapport du GIEC, marches pour le climat, déversements pétroliers, accidents nucléaires, etc.). Plus un politicien·ne, média ou entreprise ne semble faire l’impasse sur la problématique écologique dans sa communication. Si l’impact anthropique est désormais avéré, les difficultés de trouver des consensus sur le plan économique et politique empêchent tout passage à l’acte coordonné et collectif. La crise écologique et le dérèglement climatique posent un problème d’ordre moral, qui interroge notre rapport aux autres êtres vivants et à l’environnement. Or, cette crise et les questions en découlant passent aussi par leur mise en récit et leur mise en discours, qui contribuent en retour à modeler des pratiques, des croyances et des idéologies à l’égard de l’environnement.  

Théorie et méthodologie  

Dans une optique rhétorique, l’ethos est une notion aristotélicienne qui sert à décrire la disposition, le caractère, l’image que renvoie une instance énonciatrice. L’ethos s’apparie au pathos (les émotions mobilisées dans l’énoncé) et au logos (les arguments, la logique, la forme de l’énoncé). La conception de l’ethos discursif s’est enrichie, en Analyse du discours, de théories sociologiques montrant que les individus lors de leur prise de parole sont contraints par des rites, des contextes, d’autres discours, des dispositifs sociaux. De fait, l’Analyse du discours ne conçoit pas l’ethos comme une stratégie pleinement maitrisée par les instances énonciatrices. Par son ethos, l’instance énonciatrice exprime aussi les idéologies, stéréotypes et croyances qui circulent au sein de sa sphère sociale, de sa société.  

Afin de présenter toute la complexité et la variété des discours environnementaux, le politologue John S. Dryzek en a créé une typologie, sur laquelle la thèse prend appui. L’intérêt de cette typologie est qu’elle propose une grille d’analyse englobant un ensemble complet de modalités discursives (protagonistes, dispositifs argumentatifs, rapport à la nature, interconnexions, etc.) et qu’elle met en avant les attributs idéologiques des discours relatifs à l’environnement, des plus climatosceptiques aux plus activistes.  

Le corpus est constitué de publications écologiques issues de 13 profils Instagram français et québécois, sur une durée d’un an (mars 2019 à mars 2020). Il s’agit de 4 politicien·nes (Emmanuel Macron, François Legault, Anne Hidalgo et Valérie Plante), deux journaux à grand tirage (Le Monde et Le Devoir), 2 médias d’opinion (Valeurs Actuelles et Espaces Autochtones) 2 profils activistes (Greenpeace France et Greenpeace Québec) et 3 influenceuses (Léa Camilleri, Enjoy Phoenix, Jeanne Rondeau-Ducharme).  

Quatres axes ont été choisis pour l’analyse des ethos écologiques : le premier rend compte de la mise en avant opérée au sein du profil (axe narcissique) ; le second s’attache à l’examen de la polysémiocité des publications (nombres de formats employés, mots-dièse, émojis, vidéos, etc. axe polysémiotique) ; le troisième étudie le degré de positivité ou de négativité des émotions (axe émotionnel); le quatrième se sert de la typologie de Dryzek pour étudier le degré d’adhésion à l’industrialisme ou aux idéologies « vertes » (axe idéologique). De plus, la thèse explore les contextes sociopolitiques et historiques au regard de l’écologie ainsi que les représentations sociales de l’environnement au sein des deux nations étudiées.  

Résultats  

Premier constat : l’écologie ne constitue pas un sujet abondamment abordé sur Instagram, étant donné la difficulté de trouver des profils célèbres évoquant cette problématique. 

Deuxième constat : le degré de narcissisme (étudié principalement par les pronoms personnels et l’iconographie de soi quantitative et dénotative) est fort chez la majorité des instances étudiées. Si les objectifs communicationnels des profils varient, on suppose que tous cependant cherchent à convaincre les destinataires du bien-fondé de leurs dires, ainsi que de l’authenticité de leurs démarches. Dans cette perspective, on peut se demander si le degré de mise en avant de soi occulte ou avantage la cause écologique.  

Troisième constat : seuls les profils les plus radicaux (les écologistes de Greenpeace et les climatosceptiques de Valeurs Actuelles) emploient toutes les possibilités technologiques de la plateforme (vidéos incrustées de textes, mots-dièse, émojis, mèmes internet, etc.). Ce phénomène démontre leur grande maitrise des tendances communicationnelles d’Instagram, qui rappelons-le est fréquenté par les décideurs et décideuses de demain.   

Quatrième constat, sans équivoque : la dimension eschatologique et les émotions négatives (indignation, écoanxiété, peur, mépris) dépassent largement l’expression d’émotions positives (joie d’agir collectivement, optimisme, émerveillement). L’expression émotionnelle de la relation à l’environnement est paradoxale, entre envie de protéger, explorer, se ressourcer et conscience de détruire, constat d’échec et peur de l’avenir.  

Cinquième constat : l’abondance du discours touristique sur Instagram. Il ressort de cela que la représentation de la nature (à dominante visuelle) qui circule le plus largement dans ces profils est celle d’une nature exploitée par le tourisme et correspondant à un imaginaire (la carte postale, la station balnéaire). Il existe une séparation conceptuelle entre les êtres humains et le monde naturel. Les êtres considérés comme « sauvages » (Autochtones et animaux) sont représentés soit de façon méliorative (appel à l’émerveillement, à la fascination pour l’altérité, voire à l’exotisation) soit à des fins de dramatisation (derniers instants de spécimens d’espèces sauvages, des dernières tribus, souffrance et des conditions de vie sordides de personnes et d’animaux, considérés comme purs et innocents). Cette iconisation associe l’agonie animale et « primitive » avec le présage de déchéance des êtres humains, ravivant la peur, et pointant la capacité de destruction occidentale et industrielle. 

Les profils étudiés maitrisent la technique du storyliving, un storytelling au sein duquel les héros et héroïnes sont désormais les instances elles-mêmes, toutes prouvant qu’elles détiennent (en partie) une solution au problème de la crise écologique.  Cette solution peut être d’ordre économique (consommer différemment), énergétique (modifier les modes de transports ou de production énergétique) ou sociale, cognitive et philosophique (changer radicalement le système, pour les écologistes). Dans cette optique, la majorité visent la nocivité de l’industrie, qu’elle soit fossile, nucléaire, automobile, touristique ou plastique. Les grandes entreprises et/ou multinationales sont accusées directement ou indirectement de contribuer à la destruction de l’environnement ou du monde vivant dans son ensemble. Cependant, la moitié des profils pointe aussi un ancrage d’habitus délétères et un système capitaliste productiviste destructeur.  

L’Académie des controverses et de la communication sensible en trois minutes

Écoutez Thierry Libaert, président et Bernard Motulsky, vice-président, nous parler de l’origine, du rôle et des objectifs de l’ACCS.

Normes, labels et certifications

Les actes du séminaire

Le 16 novembre 2022 s’est déroulé à Paris le séminaire annuel de notre Académie. L’objectif était d’échanger nos analyses autour de la valeur communication des normes et labels. La journée a été, de l’avis général, très riche, nous publions ici une synthèse des contributions des chercheurs qui sont intervenus.

L’ensemble des interventions, celles des praticiens et les échanges sont visionnables sur notre chaîne YouTube.

Tout un monde de Greenwashing

Le sujet du greenwashing est à nouveau à l’avant de l’actualité. Alors que la Convention citoyenne sur le Climat avait relancé le débat sur la compatibilité de la publicité avec la lutte contre le dérèglement climatique, le greenwashing et son augmentation ces deux dernières années semble signifier une certaine légèreté des publicitaires à s’emparer pleinement du sujet.

La question n’est pas réductible à un seul pays. Pour notre première conférence de l’année, nous vous proposons des témoignages de spécialistes en provenance de cinq pays :

  • Belgique :           Anne-Marie Cotton, Artevelde Université Gand
  • France :              Albin Wagener, Université Rennes 2
  • Québec :             Ambre Creux-Martelli et Stéphanie Yates, Université de Québec à  Montréal
  • Suisse :               Julien Intartaglia, HEG Arc Neufchâtel
  • Maroc :                Karine Johannes, Université internationale de Rabat

A la suite de ces présentations, Madame Laetitia Montero, de l’Unité Production et Consommation durable du Programme des Nations Unies pour l’Environnement nous exposera le travail réalisé à l’échelle internationale pour l’Environnement pour tenter d’endiguer le phénomène.

Nous pourrons ensuite débattre tous ensemble du sujet.

La conférence sera introduite par Thierry Libaert, Président de l’ACCS, animée par Justine Lalande, Secrétaire générale de l’ACCS et Bernard Motulsky, Vice-Président de l’ACCS, en tirera les conclusions.

Pour vous inscrire : https://www.eventbrite.fr/e/billets-tout-un-monde-de-greenwashing-regards-croises-517910162237

En 2023, nous vous souhaitons de riches et passionnantes controverses !

Nous vous souhaitons d’abord une excellente année 2023 pour vous et vos proches. Nous avons pensé utile de vos présenter quelques informations relatives à notre association, l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible.

En premier lieu, au niveau du bilan de l’année écoulée, 2022 nous aura permis de reprendre un rythme normal de nos activités. Nous avons ainsi pu organiser trois conférences en ligne, d’abord sur les nouvelles frontières de la communication interne, puis sur les nouveaux enjeux des relations publiques, puis sur les objectifs de l’évaluation en communication organisationnelle. Enfin, nous avons tenu notre séminaire annuel de recherches après un appel à contribution sur la question des normes et labels. Les interventions de ce séminaire sont visibles sur notre chaîne Youtube que nous avons mise en ligne l’an dernier. Nous avons également renforcé notre site internet par des interviews d’experts (D. Courbet, N. Baygert, M.G. Suraud, V. Martin, C. Roux-Dufort).

Nous avons également accueilli un nouveau partenaire, la société d’étude Occurrence, qui, aux côtés de nos deux premiers partenaires, Sidièse et WeChange, nous permet de continuer à proposer toutes nos activités gratuitement. Notre association est sans but lucratif et ne dispose d’aucune trésorerie.

Notre gouvernance a légèrement évolué avec un total équilibre franco-québécois. Thierry Libaert reste Président et Bernard Motulsky, Professeur à l’université du Québec à Montréal, Vice-Président, Justine Lalande, doctorante à l’UQAM, devient Secrétaire Générale et François Allard-Huver, Maître de conférences à l’Université de Lorraine et Cofondateur de notre Académie qui occupait cette fonction, devient Directeur Scientifique. Dans ce cadre, il sera plus particulièrement en charge de notre séminaire annuel.

Pour ce qui est de nos activités 2023, nous avons déjà arrêté les thèmes et les dates de quelques-uns de nos événements. C’est ainsi que nous organisons deux conférences en ligne. Le 21 mars sur le sujet du Greenwashing et le 26 septembre sur la communication européenne. Notre séminaire annuel aura pour thème les nouvelles formes de lutte environnementale et nous l’organiserons avec le Groupe d’Etudes et de Recherches Communication, Environnement et Société de la Société Française des Sciences de l’information et de la communication. Celui-ci se déroulera en deux journées les 23 et 24 novembre 2023 à Paris et sera l’occasion de fêter notre 5ème anniversaire.

Notre association fonctionne aussi grâce à vos observations, critiques, suggestions. Nous sommes donc particulièrement preneur de toute remarque que vous pourriez nous faire.

Vous trouverez ci-dessous notre carte de vœux dont voici la légende :

« Un groupe de femmes diplômées victoriennes prenant le thé, au dégoût des jeunes diplômés masculins présents qui considèrent que le vin ou la bière sont bien plus adaptés à l’occasion ». Les femmes diplômées étaient rares, même à la fin du XIXe siècle

Parution issu d’un volume relié d’exemplaires de « Punch Almanach » pour 1865-79. Punch était un magazine britannique fondé en 1841, célèbre pour ses dessins animés humoristiques et satiriques créés par certains des plus grands illustrateurs de l’époque » 

Bonne année.

Thierry Libaert, Bernard Motulsky, Justine Lalande. 

Controverses environnementales et concertation sur des projets de méthanisation

Le 23 septembre dernier à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, Violène Sibertin-Blanc a soutenu sa thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication.

Cette thèse de 419 pages a comme titre : La production décentralisée d’énergie comme vecteur de reconfiguration des rapports entre public et monde agricole : le cas d’un projet de méthanisation agricole en Occitanie.

Rédigée sous la direction du professeur Marie-Gabrielle Suraud, elle a été soutenue avec succès devant un jury composé de Alexandra Bidet, Nicole D’Almeida (rapporteure), Benoît Lafon (rapporteur), Thierry Libaert (Président du Jury).

L’enjeu de ce travail consiste à contribuer à l’analyse des transformations sociales attachées à la transition écologique en apportant un éclairage sur la participation des conflits déployés autour d’infrastructures de production d’énergie renouvelable à un processus de démocratisation de cette transition. Du point de vue d’une théorie de la communication, ce travail participe à éclairer les mécanismes de production collective de la connaissance sur la valeur environnementale.

LE CONTEXTE

Au milieu des années 2010, la presse spécialisée sur les thématiques environnementales se fait l’écho d’un certain engouement des pouvoirs publics pour la méthanisation. À la même époque, la presse généraliste relate au contraire régulièrement des contestations qui se développent autour de projets de méthanisation. Un décalage assez net semble ainsi se dégager entre, d’un côté, l’affichage d’une volonté des pouvoirs publics de favoriser une multiplication des projets de méthanisation et de l’autre, l’opposition citoyenne que semblent régulièrement rencontrer de nombreux projets.

En outre le monde agricole, présenté comme le principal pourvoyeur de matières organiques méthanisables, constitue un acteur central des politiques publiques dédiées au développement de la méthanisation. Parallèlement, à travers notamment la mobilisation de l’association France Nature Environnement (FNE) sur le sujet, une partie de la sphère associative environnementaliste ambitionne de soutenir le développement de la méthanisation agricole. Ce double constat met ainsi en évidence l’intéressement conjoint du secteur agricole et de la sphère citoyenne environnementaliste aux enjeux de la méthanisation, tandis que ces deux mondes apparaissent régulièrement en conflit autour notamment de la contestation ou au contraire de la défense du modèle agricole productiviste. Cet intérêt convergent interroge donc la possible émergence de synergies nouvelles entre monde agricole et mouvements environnementalistes, alors que ces secteurs sont traditionnellement en tension autour de la thématique environnementale, permettant de formuler la question suivante : en quoi la méthanisation constitue-t-elle un vecteur de redéfinition des rapports entre la sphère citoyenne et le monde agricole autour de la question environnementale ?

THEORIE

Le cadre théorique mobilisé pour traiter ce questionnement est l’approche pragmatiste transactionnelle telle qu’elle est développée dans les travaux de John Dewey relatifs au processus d’identification du public et de caractérisation de la valeur via la réalisation de l’enquête sociale. Ce cadre théorique permet notamment d’appréhender le conflit comme une occasion de construction collective de la connaissance sur la valeur d’une activité. La mobilisation de cette approche permet ainsi d’identifier l’indétermination de la valeur environnementale de l’activité expérimentée comme postulat de l’analyse. Il s’agit donc d’aborder une technologie de production d’énergie renouvelable, la méthanisation agricole, en écartant le postulat de sa valeur environnementale « intrinsèque ». Cette hypothèse permet alors de saisir les conflits et débats qu’elle suscite comme un processus global d’évaluation par le public de la qualité environnementale de l’activité, à travers l’identification à la fois de ses modalités de mise en œuvre et de ses finalités. Il s’agit ainsi de montrer comment les tensions qui émergent à l’occasion de sa territorialisation mettent en lumière les opérations par lesquelles le public participe à un processus communicationnel d’évaluation de la pertinence environnementale de l’activité.

ETUDE DE CAS

Cette analyse s’appuie sur l’étude du conflit suscité par un projet de méthanisation agricole en Occitanie à l’automne 2016 et repose sur la réalisation d’entretiens avec les parties prenantes du conflit déployé autour de ce projet. Cette étude de cas est mise en perspective avec le développement de la méthanisation au niveau national, sur la base d’entretiens réalisés avec les parties prenantes de la méthanisation intervenant cette fois au niveau national. Afin d’éclairer le positionnement des différentes parties prenantes impliquées dans le développement de la méthanisation, ce matériau d’entretien a été complété par l’analyse de la documentation mise en ligne par les deux associations constituées sur le terrain d’étude, ainsi que des rapports et comptes rendus publiés par l’ADEME, les ministères de l’écologie et de l’agriculture, le Sénat et la Cour des Comptes, et enfin la documentation institutionnelle diffusée par GRDF, Solagro, FNE et plusieurs associations professionnelles de promotion de la méthanisation. Enfin, la participation à divers évènements liés à la méthanisation et à ses parties prenantes entre 2017 et 2019 a pu permettre d’observer directement ces parties prenantes.

RESULTATS

Ce travail montre en premier lieu que le développement de l’activité de méthanisation en France constitue un terrain de rapprochement entre la sphère environnementaliste nationale, incarnée par FNE, et la frange dominante du monde agricole représentée notamment par l’association des agriculteurs méthaniseurs de France. Ces deux sphères se rapprochent ainsi autour de la participation de la méthanisation à l’enjeu de lutte contre le changement climatique, permettant ainsi de qualifier une finalité environnementale convergente de l’activité. Ce rapprochement met en lumière la fluctuation des finalités assignées à l’activité. Ainsi aux prémices de sa redécouverte en France par des agriculteurs pionniers dans les années 2000, tandis que la méthanisation agricole se voit assigner une finalité corrective des pollutions générées par l’agriculture intensive, les transactions qui se déploient autour de l’activité se traduisent alors par l’activation des oppositions traditionnelles entre sphère associative environnementaliste et monde agricole dominant. Ce constat permet de souligner que le développement de l’activité de méthanisation ne possède intrinsèquement aucun pouvoir de coalition entre ces deux mondes sociaux régulièrement en tension autour de la question environnementale. En outre, ce rapprochement entre la sphère environnementaliste et le monde agricole dominant se construit sur le fondement d’un cadrage « par la négative » déterminant uniquement ce que la méthanisation « ne doit pas être ». Il ne s’appuie donc pas sur une qualification convergente des moyens alloués à l’activité et laisse par conséquent sans réponse la question de la valeur environnementale de celle-ci. Ce rapprochement établi au niveau national entre monde associatif et monde agricole configure toutefois un nouveau contexte de déploiement des transactions autour de la méthanisation. Il constitue alors un levier de légitimation de l’activité auprès d’une association environnementale locale du territoire objet du cas d’étude. Selon une logique de garantie « en cascade », il favorise ainsi à son tour le rapprochement entre l’association environnementale locale et un agriculteur porteur de projet.

Ce travail montre par ailleurs que la dimension « agricole » de la méthanisation agricole constitue le point d’articulation de la légitimité de l’activité. Dans cette perspective, le public contestant le projet objet du cas d’étude indexe la pertinence de l’activité à la précarité économique des exploitations agricoles auxquelles elle s’adosse, précarité économique appréciée à l’aune d’une conception de l’agriculture opposant des structures vues comme « industrielles », jugées économiquement pérennes, à des structures plus modestes. Le public trace ainsi une liaison entre l’évaluation de la légitimité environnementale de l’activité et l’appréciation de l’activité agricole à laquelle elle s’associe. L’enquête du public sur le modèle agricole soutenant la méthanisation demeure néanmoins circonscrite à la légitimité de ce modèle à soutenir l’activité. Autrement dit, le regard porté par le collectif contestataire sur l’activité agricole du porteur de projet ne l’engage pas vers une appréciation critique de cette activité ou des pratiques qui lui sont associées, n’engageant dès lors aucune prétention aux changements de ces pratiques. Ainsi, bien que la dimension « agricole » de la méthanisation fasse figure de vecteur de légitimité de l’activité, le développement de la méthanisation n’induit pas pour autant mécaniquement la mise en débat de l’activité agricole à laquelle l’activité vient s’adosser.

Ce travail montre en outre les limites de l’articulation de la méthanisation agricole autour du concept d’économie circulaire. En effet, cette notion « d’économie circulaire » porte intrinsèquement une logique de permanence des situations, dans lesquelles on revient sans cesse au point de départ. La mobilisation de l’approche transactionnelle pour appréhender la méthanisation agricole permet au contraire de mettre en évidence que la mise en œuvre de l’activité ne correspond pas tant à une situation « circulaire » mais plutôt à une situation « en ressort » dans laquelle l’expérience de l’activité modifie la situation initiale et construit les conditions d’une nouvelle expérience. Ce constat conduit à l’émergence d’un questionnement de la part d’un nouveau public enquêteur, incarné par deux associations constituées à l’échelle nationale (le Collectif Scientifique National Méthanisation et le Collectif National Vigilance Méthanisation), autour du sens de l’adaptation dans la transaction qui se joue entre activité agricole et méthanisation. Ce questionnement est alors articulé autour du risque que l’activité agricole soit travaillée dans la perspective de son adéquation avec la méthanisation. À cet égard, dans le cadre de son enquête sur la valeur environnementale de l’activité, le public rapporte la finalité énergétique de la méthanisation aux moyens qu’elle suppose. Il met ainsi en évidence les conséquences de l’intensification des ambitions énergétiques assignées à l’activités sur l’évolution des pratiques agricoles et disqualifie par conséquent la valeur environnementale d’une méthanisation agricole destinée à une production énergétique de grand volume.

Enfin, tandis que la sphère associative environnementaliste est traditionnellement engagée dans une alliance avec la frange agricole minoritaire du monde agricole, incarnée par la Confédération Paysanne, autour de la contestation du modèle agricole productiviste, ce travail montre que les transactions établies par FNE, ou plus récemment par le WWF, avec le monde agricole dominant au sujet du développement de la méthanisation place au contraire la sphère associative environnementaliste à distance de la frange agricole minoritaire. Dans ce contexte, l’alliance traditionnelle de la frange minoritaire du monde agricole avec la sphère associative est alors réinvestie par le public contestataire à la faveur de la critique de la méthanisation agricole.

Labels, Normes et Certification : Programme du séminaire du 16 Novembre 2022

Le programme de notre séminaire annuel est désormais finalisé. Il porte sur la question des normes et labels et aura lieu le mercredi 16 novembre prochain à Paris. Il sera retransmis également en visio.

Vous pouvez vous inscrire à l’aide du lien ci-joint : https://www.eventbrite.ca/e/billets-labels-normes-et-certification-seminaire-du-16-novembre-2022-421367099337

Le programme pourra encore légèrement changer au niveau des horaires mais les interventions sont bien calées.